Saint-Martin. Le père du Statut n’assume plus l’éducation de l’enfant trop turbulent
Vendredi 27 décembre, le Sénateur Louis-Constant Fleming annonçait devant un public choisi sa décision de démissionner de ses fonctions parlementaires au 31 décembre prochain. Au cours d’un discours fleuve au cours duquel le Sénateur n’a pas été avec le dos de sa “Golden Spoon”, il a longuement expliqué ce qui motivait cette fin de mandat prématurée.
Des raisons personnelles…
Il n’aura échappé à personne que le sénateur Louis-Constant Fleming souffre depuis plusieurs années d’arthrose au point de venir handicaper sa capacité à assumer les allers et retours vers Paris nécessaires à l’exercice de ses fonctions parlementaires. Ces voyages semblent lui être de plus en plus pénibles et cette limitante fait partie des motifs qui l’ont poussé à prendre cette importante et lourde décision.
En second lieu, l’âge atteint par sa mère, Yvette Hodge Fleming, qui a aujourd’hui 97 ans l’amène légitimement à vouloir se consacrer un peu plus à celle-ci en en devant moins se déplacer hors de Saint-Martin.
Des raisons politiques…
Depuis la perte des élections territoriales de mars 2012 par la liste UP qu’il menait, Louis-Constant Fleming a peu à peu disparu de la scène politique locale. Malgré ses missions parlementaires, le sénateur n’a pu que constater que localement, le rôle que lui réservait la Collectivité se résumait aux dépôts de gerbes et aux manifestations officielles. Des missions un peu minimalistes lorsque l’on sait que le sénateur est le représentant à la haute assemblée de la collectivité. Ainsi, Louis-Constant Fleming ne cachait pas sa déception que de n’avoir pas été invité aux réunions de travail ou aux Conseils Territoriaux. Il ne cachait non plus son regret de ne pas avoir vu sa dernière proposition de loi, visant à l’élargissement des compétences de la COM, prise en considération par la majorité RRR, seule habilitée à déclencher le processus législatif.
D’autre part, le Sénateur Fleming a indiqué ici vouloir “pour une fois” être celui qui décide de la fin de son mandat contrairement a ses expériences passées. Mais est-ce réellement le cas ici ? N’est-ce pas plutôt une décision qui s’impose à lui ?
Une contrainte législative à venir : la loi sur la transparence…
Si toutes les raisons ci-dessus sont bien évidemment valides et compréhensibles, il est aussi évident que le déclencheur aura été la loi sur la transparence votée en octobre dernier, et dont le Sénateur pense qu’elle devrait être mise en application dès février 2014. Cette loi prévoit notamment que le patrimoine et les intérêts des sénateurs soient publiés et ouverts à la consultation publique. Le Sénateur Fleming, comme de nombreux autres élus était logiquement opposé à cette loi dont le texte final, s’il a subi de nombreux rabotages épargnant par exemple les membres de l’exécutif, lui impose des contraintes difficilement supportables pour la cible financière qu’il représente sur un territoire aussi petit que Saint-Martin. Ainsi, même si la Loi interdit aux médias notamment de publier les informations sur le patrimoine disponible en préfecture, rien n’empêcherait localement un média de Sint Maarten de le faire. C’est donc pour préserver sa vie privée mais aussi celle de sa mère de ses enfants et petits enfants que le sénateur a décidé de quitter ses fonctions et ainsi de se soustraire à cette loi sur la transparence : “Je trouve incorrect de modifier les conditions d’un mandat pendant celui-ci, je n’aurai pas été candidat en 2008 si cette loi avait été en vigueur à l’époque.”
En marge et en prenant un peu de distance, le Sénateur n’a pas mâché ses mots quant à la responsabilité de l’état et de l’administration vis à vis de nos difficultés actuelles. Cette responsabilité, qui motive également sa décision car opposée à sa vision initiale, est posée à plusieurs niveaux :
– dans la décision de son invalidation qu’il estime inique et non fondée mais surtout comme l’origine de la déstabilisation de la gouvernance en 2008.
– dans les conclusions scandaleuses de la commission d’évaluation des charges
– dans les délais administratifs insupportables autour du recours posé par la Collectivité
– dans la non décentralisation des outils guadeloupéens. Le Sénateur est clair à dire qu’alors que nous aurions dû progressivement couper les fils qui nous rendent dépendants de la Guadeloupe, ceux-ci aujourd’hui se renforcent et nous interdisent de décider de notre destin.
– dans le fait qu’il est facile pour l’état de “maîtriser” des présidents qui sont eux-mêmes salariés d’institutions nationales (Frantz Gumbs comme Aline Hanson sont salariés de l’éducation nationale)
Au delà du discours, le sénateur n’exprime qu’un seul regret, celui que de ne pas avoir démissionné en septembre 2007, soit deux mois après son élection, lorsque la population boycotte clairement la vignette automobile. Là où Louis-Constant Fleming pensait que la population avait bien intégré le fait que cette autonomie relative passait par une responsabilisation des contribuables identifiés ou potentiels, cette fronde est venu témoigner du fait que la Collectivité et plus globalement l’évolution statutaire ne pourrait compter sur le civisme de ceux qui l’ont pourtant choisie.
Vacance de poste : ce qu’en dit la loi ?
Le siège du Sénateur de Saint-Martin sera donc disponible à compter du 1er janvier 2014.
Mais, au risque de décevoir certains, le suppléant du Sénateur Fleming, à savoir Louis Jeffry, n’incarnera pas pour autant la fonction de sénateur pour la fin de cette mandature et Saint-Martin devra attendre septembre 2014 pour voir le poste à nouveau pourvu :
– les seuls cas où le suppléant succède au Sénateur sont le décès, ou l’acceptation des fonctions au Gouvernement, au Conseil constitutionnel, en tant que Défenseur des droits
– dans les cas de vacance autres que ceux cités précédemment, il est procédé à des élections partielles si toutefois la vacance intervient à moins d’un an d’un renouvellement partiel du Sénat. Or, le prochain renouvellement est prévu dans neuf mois.
Au bilan, c’est bien d’une nouvelle mandature tronquée dont hérite la Collectivité de Saint-Martin mais aussi d’une chaise vide ! Mais, comme le dit le sénateur lui-même, pour une fois, cette démission est volontaire et pas provoquée par les conclusions d’une commission X ou Y.
Enfin, que penser aujourd’hui du choix de l’évolution statutaire lorsque le propre père du statut abandonne l’enfant en bas âge à une collectivité dont l’axe de développement économique prédominant, selon la Présidente Aline Hanson, est le social et l’aide à la personne ? Ceci étant, l’enfant statut aura bien besoin de l’action sociale pour ne pas sombrer et ne pas faire de mauvais choix pendant son adolescence.
Ainsi, même si, au regard des motivations évoquées ci-dessus, nul ne pourra contester la légitimité de la décision sénatoriale, celle-ci ne sera toutefois pas sans conséquence que ce soit au niveau local que national.