Antilles. Conséquences potentielles de la démission du sénateur Louis-Constant Fleming
Conformément à ce que nous tentons systématiquement de faire, vous aurez eu les mots de l’intéressé, un rapide survol de leur portée et maintenant une vision (le mot est choisi) plus analytique des impacts éventuels de la démission du Sénateur Louis-Constant Fleming. Cette vision, certains l’estimeront hypocritement ou moins comme relevant de la science fiction ou de l’abus de substances illicites, mais nous pouvons vous assurer que depuis 12 ans que l’actualité nous est livrée en pâture, le décryptage qui vous est proposé ci-après est loin de relever de la masturbation. Réveillez-vous citoyens car sinon… la presse veille pour rien.
Démission du Sénateur Louis-Constant Fleming : décryptage, analyse et conséquences
Des conséquences locales en cascades
Comme toujours, localement, et parce que nous sommes tous hyper-dépendants les uns des autres, le propre des micro-sociétés, la démission du sénateur Louis-Constant Fleming, que d’aucuns aimeraient voir comme un épiphénomène, n’échappera pourtant pas à l’effet papillon, surtout quand le papillon est un Monarque.
La première des conséquences locales se dessine sur un plan historique : la famille du Sénateur Fleming est investi politiquement à Saint-Martin depuis un siècle et c’est bien la fin d’une lignée de dirigeants saint-martinois qui s’annonce avec cette démission. Naturellement, et parce que Louis-Constant Fleming cristallise aujourd’hui toutes les difficultés engendrées par l’évolution statutaire tout comme la partie sommitale de la pyramide du pouvoir local, certains n’hésiteront pas à parler de fin de règne, de chute d’une forme d’oligarchie ou d’absence de filiation politique et familiale du Roi de Tintamarre. Car effectivement, cette fin de mandat anticipée laisse un vide et le Sénateur ne semble pas avoir préparé sa succession. Même si rien ne pousse à l’ombre des grands arbres, on aurait pu penser, notamment au travers de l’Union pour le Progrès, parti politique local dont Louis-Constant Fleming est toujours le Président, qu’une une certaine “relève” aurait pu depuis mars 2012 être formée et élevée.
De l’autre côté du miroir, on imagine sans peine qu’il n’est pas aussi aisé de fermer la page d’un engagement aussi historiquement ancré et revendiqué dans la vie de la cité saint-martinoise. Aussi, si le Sénateur a précisé qu’il ne postulerait plus à aucun mandat électif, il a également ouvert sa porte à “ceux et celles qui poursuivront le combat”. Mais en l’état actuel des choses, en l’absence d’héritier politique naturel, au regard de la non-existence de l’UP, et devant le vide sidéral que crée l’absence d’émergence, il ne semble y avoir qu’un seul relais tangible de la “vision” du père du statut : Daniel Gibbs !!! Inutile de revenir ici sur l’historique de ces deux-là, ni même de se lamenter sur le temps perdu, les opportunités gaspillées et l’instabilité mortifère… Nul besoin non plus de chercher des réponses évidentes dans le rapprochement observé entre ces deux meilleurs ennemis depuis qu’ils ont foulé ensemble le marbre du Parlement. Le fait est qu’aujourd’hui, il ne serait pas irrationnel de voir l’héritage Fleming rallier la locomotive Gibbs qui après tout véhicule les mêmes valeurs, encore confortées par leur double appartenance à l’UMP qui nourrit aussi le lien.
Deuxième conséquence locale : cette vacance de poste va mettre une certaine pression sur les prétendants au siège, qu’ils soient connus, comme le vice président Guillaume Arnell, ou moins attendus. Ainsi le doux ronron de la “gouvernance RRR II” pourrait bien connaître ses premiers sursauts si l’évidente légitimité de Guillaume Arnell devait être remise en cause… Or, l’on sait bien qu’en politique, il faut toujours “un homme à abattre”, celui qui cristallise l’opposition et les ambitions.
Les élections territoriales de mars 2012 avaient démontré à quel point Louis-Constant Fleming était cet homme à abattre. Lui désormais hors jeu (électoralement), il va bien falloir lui trouver un successeur. Tout laisse à penser qu’il s’agira de Guillaume Arnell dont on comprendra aisément, en particulier au regard des exemples successifs depuis 2007, que certains ne voudraient pas le voir accéder à une telle pole position. En effet, créer un nouvel homme fort interdirait ou rendrait difficile un retour de celui qui a subi le verdict du Conseil d’Etat, Alain Richardson. Encore une fois, insidieusement, ceux qui se sont prêté main forte en 2012 pour venir à bout de la dynastie Fleming (Louis-Constant ou Albert) pourraient devenir les meilleurs ennemis du monde si Guillaume Arnell ne faisait plus l’unanimité pour le mandat sénatorial.
En outre, même si les élections sénatoriales se jouent localement à huis très clos (24 grands électeurs), nous ne pouvons ignorer que les enjeux sont nationaux, non pas tant en terme législatif ou de représentation de Saint-Martin, mais plutôt en nombre de sièges détenus par les grands partis nationaux qui, à l’approche des municipales, font déjà leurs calculs.
Or, même si Guillaume Arnell revendique n’avoir jamais été encarté, il ne cache pas ses affinités avec le parti socialiste pendant qu’Aline Hanson fait partie de ceux qui n’ont pas permis à Alain Richardson d’annoncer publiquement que le groupe RRR soutenait François Hollande aux dernières présidentielles, sa culture politique étant clairement à droite, ancienne membre du RPR qu’elle fût…
Alors, peut-on réellement douter du fait que l’UMP trouvera localement au moins deux bras pour œuvrer au fait que madame la Présidente se décide in fine à poser sa candidature aux sénatoriales ? Daniel Gibbs, secrétaire de la fédération UMP de Saint-Martin (qui regagne de vigueur dans sa volonté de communication depuis quelques semaines) et Louis-Constant Fleming lui-même, se reconnaîtraient bien plus en une Aline Hanson sénatrice que tout autre scenario. Dès lors, et si nos élucubrations se révèlent correctes même si elles seront largement démenties, les calculs électoraux peuvent débuter : l’UD représente 6 voix (2 voix pour Daniel Gibbs), la Présidente peut compter au sein du groupe RRR sur quelques fidèles indéfectibles… et s’il sont au minimum 5 ou 6, le compte est bon.
Si cette fumeuse hypothèse se vérifiait dans les mois à venir, une autre question de taille se profilerait : le cumul des mandats de sénateur et de président de la collectivité n’étant pas autorisé… qui pourrait succéder à Aline Hanson ? Certainement pas Guillaume Arnell pour les mêmes raisons que celles invoquées ci-avant… A moins que la Présidence ne lui soit offerte en lot de consolation… L’ardoise pourrait être lourde pour celui qui depuis toujours se refuse à appartenir à un parti politique puisque c’est bien le poids des groupes qui va déterminer l’issue de ces élections sénatoriales.
Des conséquences nationales
Ceci étant dit, quelle que soit la couleur de la future représentation de Saint-Martin au Sénat, la vacance immédiate du siège aura nécessairement émaillé notre image sur la scène nationale. En effet, alors même que le nombre d’électeurs choisissant le sénateur a déjà donné lieu à certaines railleries parisiennes remettant en cause la légitimité ou le poids même de la représentation saint-martinoise, la démission du premier Sénateur de Saint-Martin risque de délier encore plus les mauvaises langues. Et comment dans ces circonstances pourrions-nous encore tenir un argumentaire vis-à-vis d’une nécessité de députés distincts pour Saint-Martin et Saint Barth lorsque l’on laisse le poste de sénateur généreusement octroyé par la Loi Organique ainsi vacant ? L’ironie du sort veut que le siège sénatorial était jusqu’alors l’un des rares éléments de notre loi organique qui ait été fonctionnel, sans heurt et respecté…
Quelle qu’ait été la démarche du sénateur Fleming pour étoffer le panel des causes de son départ, une seule va prévaloir : son refus de rendre public son patrimoine. Celui qui depuis des années s’attache en métropole à réformer l’image de Saint-Martin, par trop souvent considérée comme un paradis fiscal habité de pirates réfractaires à l’impôt, pourrait par sa démission entériner cette mauvaise appréciation pour des années encore. Autre ironie du sort après tant d’années passée à tenter de réformer cette image … Un des titres du Canard Enchaîné de mercredi prochain pourrait être “Pavé dans la mare : à Saint-Martin, petit paradis fiscal français, le Sénateur UMP Louis-Constant Fleming préfère démissionner plutôt que de rendre public son patrimoine.”
In fine, cette démission devra être portée par l’ensemble de la classe politique actuellement au pouvoir et qui, même si elle y a accédé avec un programme qui dans le texte portait des différences avec celui défendu par le Sénateur, se retrouve à gérer des réalités qui interdisent à toute politique de s’exprimer : vivez-vous mieux ou moins bien que sous la gouvernance UP, que sous la dernière mandature communale ? Faute de moyens, les choix électoraux, le grand changement promis par le RRR, annoncé par la seconde présidente lors de son unique discours de politique générale, et attendu par la majorité des électeurs ne sont pas assumables, le quotidien de nos dirigeants relève d’une course permanente contre la montre pour parer au plus pressé, trouver les doigts qui accepteront de colmater les fuites, sur les conseils de ceux qui savent : la part ultra-consciente de l’administration locale qui a survécu aux changements de caps. La descente aux enfers n’est donc pas terminée et si nous devions retenir une chose de la démission du sénateur, au delà de la volonté de préserver sa vie privée et celle de ces proches, c’est la capitulation dans l’investissement statutaire face à un état dont beaucoup et de tous bords se demande aujourd’hui pourquoi il se joue de nous.
Très chers lecteurs ou lecteurs tout court, que vous souhaiter pour 2014 dans ces conditions qui ne relève pas du vœu pieux ?