Dès notre arrivée, ce qui est frappant, c’est l’engouement de folie en Argentine où la population n’hésite pas à nous arrêter pour des photos. Les parents vont jusqu’à nous mettre leur bébé dans les bras, même les flics se prêtent au jeu. À la fin, c’est même trop car tout le monde veut autographe et photo. On est comme des stars. Une parade est organisée dans les rues de Rosario.
Étape 1: La liaison ne fait que confirmer la passion des argentins pour les sports mécaniques. Une file ininterrompue de spectateurs nous acclame jusqu’aux kilomètres 22, puis plus disparates mais avec des pointes aux changements de direction et dans les villages. La spéciale du jour ressemble à une mise en jambe de 200kms, type enduro. Quelques pièges mais pas trop difficile.
Étape 2: Le sable ne porte pas du tout dans les grandes dunes. Enlisement à répétition, peur que l’aventure s’arrête dès le deuxième jour. Plusieurs solutions pour passer: attendre la fin de journée pour que la relative fraîcheur rende le sable plus porteur. L’inconvénient, c’est de finir l’étape de nuit. Une autre solution consiste à passer en force. C’est celle que j’ai choisie.
Étape 3: elle a la particularité d’être de type Marathon. C’est à dire que les pilotes motos et quads ne peuvent bénéficier d’aucune assistance pour la mécanique. Paradoxalement, c’est l’étape où l’on a le mieux dormi. Au lieu de dormir dehors et à terre comme les précédentes nuits dans les tentes, on a droit à un camp militaire avec vrai lit, toutes les affaires de toilette (y compris la brosse à dents et le dentifrice) et même un pyjama !!!
Cette étape comporte une sorte de montée impossible dont le sommet culmine à 4000m. Du coup, la puissance qui est indispensable pour avaler ce type d’obstacle est avalé par le manque d’oxygène. Le moteur peine à prendre ses tours. Les locaux m’aident et me dégonflent les pneus arrière pour une meilleure adhérence et retirent le filtre à air pour mieux alimenter le moteur en air. La deuxième tentative est la bonne, même si la marge de manœuvre est faible. Une autre montée nous attend, plus haute mais moins raide. Au briefing, Étienne Lavigne, le patron du Dakar, tient à féliciter l’ensemble des motards et quadeurs à cause de la difficulté de cette étape. Il précise même que c’est la plus dure depuis que le Dakar est en Amérique du Sud.
Étape 4: c’est toujours l’enfer. Je me perds à de multiples reprises, je fais une cabriole dans une descente. Ma chute se termine sur un arbre rempli d’épines. J’en garde une dans la main qui me handicapera et je crève mes 2 pneus avant. Je galère énormément dans les rios car la direction est très lourde et la garde au sol est diminuée de moitié. Heureusement, le quad permet de rouler à plat jusqu’à l’arrivée. Je rentre épuisé au bivouac à 1h30. J’apprends que mon copain Karl a roulé toute la nuit suite à des galères. Il arrive à 11h00 du matin donc trop tard et il est mis hors course. Le rallye s’arrête pour lui mais le moral est au beau fixe.
Étape 5: Toujours et encore l’enfer. Journée épuisante dans les canyons et dans les dunes à cause des traces des camions. Je reste d’ailleurs tanké dans les dunes sans entrevoir la possibilité d’en sortir. J’épuise mes dernières forces avant de me sentir mal. C’est la première fois que j’ai très chaud. Le directeur de course avait annoncé 40 degrés. On apprendra plus tard qu’on a atteint 49 degrés par endroit. Le moindre mouvement comme celui de récupérer mon sac de ration me demande des efforts incroyables. Je finis par contacter le PC course à Paris pour une assistance médicale. On me demande de prendre mon mal en patience car de nombreux motards sont dans mon cas. Je me réfugie dans la couverture de survie et me repose, jusqu’à ce que l’hélicoptère se pose à 300 m de moi. Le médecin me requinque et me conseille de rester allongé sous la couverture de survie. Tango 6 passe dans le coin et me sort de cette délicate situation. À cinquante kms de l’arrivée de la spéciale, des locaux me font des signent avec une bouteille dans la main. Au vu de mes piètres performances, je décide de m’arrêter boire de l’eau sur le bord du rio. Trois papis argentins m’invitent à manger un délicieux cabri qu’ils viennent de préparer sur un BBQ improvisé. C’est la meilleure viande que j’ai mangée. Je repars un peu revigoré. Lors de la liaison, Le quad s’arrête net. Un autre sympathique argentin m’amène jusqu’au bivouac, où Mickael remplace le piston qui est percé. Il est quand même 4 h du mat, je ne peux dormir qu’une heure avant le départ prévu à 6h. Mais je repars !!
Étape 6: Casse moteur sur une étape facile de 424 kms juste avant la journée de repos libératrice.
Cette sixième étape est importante car annoncée relativement facile, pas trop longue et en plus roulante. De plus, elle précède la journée de repos. Pour ne rien gâcher, les paysages qu’on voit défiler sont magnifiques. Ici, plus de désert mais une piste unique tantôt ocre, tantôt rouge. Pour la 1ère fois depuis plusieurs jours et malgré la fatigue, je prends plaisir à rouler et regarde le paysage. Le piston segment et cylindre ont été changés hier mais Mickael me dit de ne pas trop tirer sur le moteur à cause d’un bruit de distribution. Je roulerai donc cool mais avant le ravitaillement, le bruit devient vraiment trop fort. J’appelle donc Mickael qui me dit de tendre la chaîne de distribution. Les ravitailleurs de chez Total se chargent de l’opération en une heure et me voilà reparti, pour une trentaine de kilomètres avant que le bruit ne reprenne de plus belle. Je dois absolument rejoindre le départ de la deuxième spéciale. Un local m’y remorque. Voyant que mon quad ne démarre pas les commissaires de course appellent le PC COURSE à Paris pour donner l’autorisation de me laisser prendre le départ. Premier refus de Paris pour des raisons de sécurité. Une autre demande au directeur de course et c’est un autre refus pour la même raison. La course est définitivement terminée pour moi.
Je suis donc très déçu mais pense à tous ceux qui se sont blessés. C’est à ce moment-là que j’apprends qu’un copain motard belge très sympa rencontré au début du rallye a été retrouvé mort de déshydration. Il fait déjà nuit et je dois retrouver une partie de l’équipe à Salta. Pour cela, je me fais prendre en stop par une bande de spectateurs un peu alcoolisés dans une voiture style sport des années 90. Le pot d’échappement frotte sur la route tout le long du trajet. Il m’arrête au village le plus proche où je prends un bus local comme ceux de St Martin jusqu’à la province de Salta. Comme j’ai du mal à marcher, je prends enfin un taxi pour faire les derniers 500m jusqu’à l’hôtel, où je suis rejoint par Karl et Mickael.
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