La démarche n’est pas plus animée par des dons de clairvoyance que par l’envie de mettre de l’huile sur le feu comme il nous a aussi été donné de l’entendre. Il s’agit surtout et avant tout de ne pas se laisser endormir par le doux ronron de l’unité, de l’harmonie de surface et l’apparente sérénité du navire qui nous emmène. Il s’agit aussi de permettre aux citoyens de regarder par le trou de la serrure d’une porte qu’ils n’ouvriront que s’ils accèdent au pouvoir, et dont l’opacité peut parfois nourrir les fantasmes. En la matière, la pièce derrière la porte regorge de placards et à l’intérieur il n’y a pas que des cadavres, il y a aussi bon nombre de vivants en stand by et les espoirs d’une population.
Cette volonté de lever certains voiles naît directement de ce que la représentation nationale de la Collectivité de Saint-Martin ne peut trouver son issue dans un strict jeu politicien de sièges éjectables et d’accords de couloirs, notre statut n’est pas suffisamment mûr pour s’offrir ce luxe. Si les électeurs concernés par les sénatoriales sont dit grands, c’est parce que la tâche qui leur incombe est lourde de responsabilité. Mais étant tous élus, on pourrait estimer qu’ils sont tous parfaitement conscients des possibles et au fait des stratégies mises en place pour la victoire de l’un ou la défaite de l’autre.
Les petits électeurs que nous sommes n’ont eux, en général, que peu d’intérêt pour ces élections particulières et l’ensemble de ce qui se trame en coulisse leur passe donc généralement bien au dessus de la tête. Néanmoins, échafauder de rocambolesques scénarii et les livrer au lecteur contraint de fait le grand électeur à une grande conscience quand le moment lui est venu de s’exprimer : et oui… car non seulement ils sont censés représenter ceux qui les ont eux-mêmes élus ; mais de plus viendront ensuite des élections moins intimistes où l’électeur lamda saura de souvenir de ce que l’élu d’alors avait autorisé au nez et à la barbe du citoyen…… De lecteur à électeur, il n’y a qu’un é !
Alors… Envisageons maintenant qu’Alain Richardson, à l’instar d’autres avant lui, estime à l’approche des sénatoriales que le deal conclu au moment de son éviction n’a pas été respecté, que la présidence de substitution l’évince lentement mais sûrement, qu’il n’est plus suffisamment “aux affaires”. Notons que sa proximité souhaitée avec le pouvoir n’a d’ailleurs pas été scellée par un contrat de conseiller au cabinet, comme la rumeur l’avait laissé entendre, et sa présence aux réunions officielles, ou même à l’hôtel de Collectivité, n’a été qu’éphémère.
Par contre, son existence au sein du RRR est bien avérée ainsi que sa participation active aux réunions de son groupe en tant que leader, même si celui-ci est aujourd’hui écartelé entre les “pro-Aline” et les “pro-Alain”.
Si la lecture de cet article vous laisse un peu de vacuité pour vous prêter à un jeu de rôle, il vous suffit alors de vous projeter dans la peau d’Alain Richardson, ou de Louis-Constant Fleming avant lui… vous ressentirez alors l’extrême motivation faite d’un ensemble de petites motivations, certaines au bénéfice du territoire, d’autres aux raisons plus familiales, d’autres encore plus personnelles ou historiques, qui a amené ces deux hommes à briguer cette présidence avec autant d’énergie et de persévérance. Ensuite vous ressentirez le confort de cette position, certainement un peu de surprise aussi car ce qui vous apparaîtra de là-haut n’est pas tout à fait conforme à ce que vous attendiez. Puis, vous accèderez à ce plaisir subtil, vous sentirez sur vos papilles ce picotement si particulier que l’on nomme le goût du pouvoir, celui qui vous rend addict, plus grand, plus courageux… Alors imaginez que la France, si prompte à couper des têtes, fasse rouler la votre avant échéance citoyenne alors que ce goût ne faisait qu’atteindre le bout de votre langue. Vous chercheriez sans doute le moyen de le retrouver car il n’est pas de produit de substitution pour cette addiction, sans parler de votre envie / besoin de prouver à vos électeurs ce dont vous êtiez capables.
Ainsi et pour toutes ces raisons, sommes nous réellement fous de penser qu’Alain Richardson en tant que président du RRR pourrait parfaitement proposer au groupe un candidat autre que Guillaume Arnell en appelant ses colistiers à se rallier au panache blanc de l’heureux “commis d’office” ?
Cela vous fait sourire ? Une source qui ne laisse que peu d’espace à l’incertitude nous a même donné le nom de ce candidat potentiel, de ces hommes prêts à tout et à toutes les fonctions pour vibrer en phase avec leur mentor, surtout lorsque ce dernier leur a déjà confié un poste clé malgré leur jeunesse (en âge et en carrière politique)… Le choix de la sécurité pour Alain Richardson serait idéalement un jeune loup dont la (ou les) position(s) actuelle(s) auraient déjà dépassé ce qu’il aurait pu espérer, et qui serait par là profondément reconnaissant à son “bienfaiteur”. De plus, le retour aux manettes de celui par qui “le grand changement” a été possible sécuriserait le boute-en-train* et trouverait son lot de favorables échos. Notons ici que le “winner” de Richardson peut parfaitement occuper quelque fonction puisque la loi sur le non-cumul des mandats n’entrera en vigueur qu’en 2017, aucun choix cornélien à faire donc pour “l’élu”…
Mais alors… quid du Vice-Président Guillaume Arnell ? N’oublions pas que le vice-président Arnell n’est pas un homme de “groupe”, que sa carrière politique s’est faite sur la base de ralliements à des équipes constituées et sur la base de sa propre popularité certes bien assise, à Quartier d’Orléans surtout. Sans l’appui plein et entier du RRR, Guillaume Arnell ne peut prétendre remporter ces élections sénatoriales.
Poursuivons mais concluons avant que la migraine ne s’empare de vous…
Le nouveau sénateur, pleinement acquis à la cause de son leader politique n’a plus qu’à endosser ses fonctions pour… un mois ! Pourquoi un mois ? Et bien tout simplement parce que c’est à peu près le délai qui séparera son élection du moment où Alain Richardson recouvrera ses pleins droits de citoyen, à savoir la possibilité d’être à nouveau élu.
A l’issue de ce mois dans les ors de la République, une simple démission imposera tout naturellement une réélection sénatoriale à laquelle Alain Richardson pourra se présenter puisqu’il ne sera plus inéligible et que les élus peuvent élire un membre de la société civile !!!!
Nous n’irons pas ici plus loin, nous pourrions par excès de zèle pousser le vice jusqu’à spéculer sur l’après, nous poser la question de savoir ce que le groupe RRR vivrait si Alain Richardson devenait sénateur au terme de notre rocambolesque sénario, quels impacts pour la gouvernance ? Faut-il déjà envisager une motion de défiance provoquée par les fidèles pour que le leader historique puisse récompenser d’une présidence de pacotille celui qui l’aura bien servi… trop de spéculation tue la spéculation.
* Le boute-en train est le cheval utilisé pour exciter la jument, la mettre en chaleur mais qui ne la saillit pas. Il la stimule et la prépare donc à agir avec l’étalon. Hélas pour lui, il ne finira pas le travail et au bout du compte, la frustration sera au rendez-vous.