Education. Frantz Gumbs prend la plume sur le double sujet de la délinquance et de l’école
Frantz Gumbs, président du Conseil Territorial de Saint-Martin d’août 2008 à avril 2012 et directeur adjoint du Lycée Polyvalent des Îles du Nord depuis cette date, se fend d’une réflexion toute personnelle sur le pourquoi du comment de ce phénomène scolaire qui empoisonne le corps enseignant et met à mal la réussite scolaire : la délinquance.
Entre fractures culturelles, sociales, assistanat, absence de référence éducative ou de modèle de réussite, Frantz Gumbs aborde sans langue de bois un sujet épineux, une réflexion nourrie à l’occasion de la récente visite de la Ministre Pau-Langevin. Un témoignage de plus et pas des moindres sur une spécificité saint-martinoise que le mammouth semble avoir des difficultés à prendre en compte et intégrer.
Délinquance et école… Petite contribution… en évitant toute stigmatisation, généralisation ou simplification.
Qui n’a rien, n’a rien à perdre, telle est la situation dans laquelle se trouvent beaucoup de jeunes, dont beaucoup sont nés à Saint-Martin, de parents immigrés (principalement des Saint-Martinois d’origine haïtienne, des Saint-Martinois d’origine “métro ”, d’origine dominicaine ou d’origine dominicaise). Certains jeunes saint-martinois de parents Saint-Martinois connaissent également ce syndrome.
– Ils n’ont pas d’aisance matérielle, puisqu’ils appartiennent à des Classes Socio-Professionnelles plutôt défavorisées.
– Ils ne connaissent pas la réussite scolaire puisque le système éducatif français ne prend pas en compte les langues maternelles de ces publics particuliers.
– Ils n’ont pas de “patrie” puisqu’ils ne sont plus tout à fait du pays de leur mère et pas encore vraiment du pays de leur naissance (sauf, évidemment, pour les Saint-Martinois de parents Saint-Martinois).
En conséquence ils n’adhèrent pas aux valeurs que véhiculent l’école (considérée comme un ascenseur social), ou la famille (plus souvent que rarement déstructurée), ou le travail (l’assistanat social permet de vivre sans travailler).
En conséquence, sans vie présente digne d’être vécu, pas d’avenir/espoir en perspective. Pour beaucoup il ne s’agit pas de vivre mais de survivre, tuer ou être tué. C’est la loi du groupe/gang, qui remplace celle de la famille, de l’école, de l’Etat, de l’église (ils ne connaissent ni se reconnaissent dans les élus, ils ne comprennent pas bien la langue de leurs instituteurs et ne se reconnaissent pas dans leurs enseignements, ils n’ont même pas peur du juge ou du gendarme, ils ne fréquentent guère leurs pasteurs et leurs églises)
En réponse à ces constats, il faudrait :
– Aider certaines familles, qui en expriment le besoin, à mieux prendre en charge l’enfant (fond social état 1er degré, à l’instar du fond social collège ou lycée, au bénéfice direct de l’enfant : restauration, manuels et fournitures, transport scolaire… gérés par une assistante sociale de l’éducation nationale)
– Donner plus d’occupations saines aux enfants, en vue de les décrocher des groupes et gangs de leur quartiers (lieux et encadrement pour soutien scolaire, sports, activités artistiques et culturelles…) à travers le tissus associatif, par le CUCS par exemple.
– Elaborer un message visant à l’adhésion de tous à un système (dénominateur) commun de valeurs culturelles et identitaires (C’est quoi Saint-Martin, c’est quoi Saint-Martin dans la République française, connaissances sommaires sur la géographie physique, l’histoire contemporaine, l’évolution statutaire, quelques traditions culturelles…)
Frantz Gumbs