Cours des comptes. Une vision sans concession du tourisme ultramarin
Le champ de l’enquête de la cour des comptes n’a pas inclus la Nouvelle-Calédonie dont le potentiel industriel repousse au second plan l’enjeu touristique, pas plus que la Guyane et Mayotte, au développement touristique encore limité. Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon n’ont pas été examinés en raison de leurs situations spécifiques. Notons qu’à Saint-Martin, nous avions néanmoins fait l’objet d’une attention particulière puisque le Président de la Cour des Comptes nous avait honoré de sa présence en décembre dernier. Néanmoins, à ce jour, nous n’avons pas écho d’une synthèse quelconque de cette visite.
Pour autant, on peut lire dans le rapport 2014 de la Cour des Comptes ceci : “Une offre touristique en déclin en outre-mer et en progrès chez les concurrents : l’exemple de la croisière – Avec 250 000 croisiéristes en 2012 à la Guadeloupe et 92 103 à la Martinique, les deux îles accusent un retard dans la zone, puisque, dans chacune des îles voisines, la fréquentation en escales est de l’ordre du demi million de croisiéristes par an. Les Bahamas, les Îles vierges américaines, les Îles Caïman, Cozumel (Mexique) et Saint-Martin (partie néerlandaise de l’île) concentrent à elles seules 46 % des échanges.” Ce qui en dit long sur “l’avance” prise en terme de développement touristique de notre concurrent direct qu’est Sint Maarten. De plus, si l’on se borne aux communiqués de presse officiels reçus de la partie néerlandaise, ce développement fourmille de nouvelles initiatives.
AFP. Le tourisme outre-mer, potentiel levier de développement économique et d’emploi, connaît une situation de crise structurelle liée au manque de pilotage des collectivités qui appelle “un indispensable sursaut” pour valoriser ses atouts, estime la Cour des comptes.
Elle consacre dans son rapport public annuel, publié mardi, tout un chapitre au tourisme en Martinique (9% de son PIB), en Guadeloupe (7%), à la Réunion (2,6%) et en Polynésie (7,7%), soit dans les trois départements et la collectivité où cette activité est “un atout fondamental”.
Dans des territoires frappés par un chômage à plus de 20%, le tourisme peine à décoller: après une expansion dans les années 90, il est en crise depuis le début des années 2000, “à contre-courant du dynamisme des îles tropicales concurrentes”.
L’épidémie du chikungunya en 2006 a amputé la Réunion de 40% de sa fréquentation hôtelière et la “crise du requin” depuis 2011 vient inquiéter les touristes, tandis qu’aux Antilles la longue crise sociale de début 2009 a engendré l’annulation de près de 10.000 séjours et laissé des séquelles.
La Cour ne nie pas l’attractivité des îles voisines comme la République dominicaine, Porto Rico, Cuba, les Bahamas dans les Caraïbes, Maurice et les Maldives dans l’Océan indien ou bien Hawaï, Guam, les îles Cook et le Vanuatu pour la zone Océanie, tient d’abord à leur main d??uvre bon marché et leurs normes moins drastiques.
Mais cela n’explique pas toutes les difficultés, souligne la Cour, qui regrette des “interventions peu dynamiques des collectivités” et “une action publique souvent inefficace”.
Outre des “approches peu innovantes” ou une “coordination insuffisante”, “l’aménagement” défaillant des sites, “la faiblesse de l’offre hôtelière”, un “déficit d’accueil et de formation” (en langues parlées, horaires des magasins, etc.), sans parler du “manque de professionnalisme” dans la promotion, ces destinations sont aussi pénalisées par une accessibilité compliquée.
L’offre aérienne est peu diversifiée et connait de fortes variations de prix avec l’impact des vacances scolaires françaises quand plus de 80% de la clientèle vient de l’Hexagone. De plus la délivrance des visas pose des problèmes.
Des visas difficiles à obtenir
Les régions, appelées par la Cour des Comptes à prendre le rôle de “pilote”, ont d’ailleurs interpellé l?État sur cet sujet: être moins dépendant de la métropole nécessite de s’ouvrir à la clientèle “régionale”. Or les formalités d’obtention de visas sont compliquées pour les visiteurs d’Australie, de Chine, de Corée ou d’Inde, au nom du risque migratoire à la Réunion. De même, Guadeloupe et Martinique ne faisant pas non plus partie de l’espace Schengen nécessitent des visas courts séjour spécifique.
Difficile dans ce contexte de frilosité de donner corps aux initiatives de diversification de la clientèle comme la stratégie des “îles Vanille” dans la zone de l’océan indien qui consiste en une vente d’offre combinée inter-îles.
Toutefois, les quatre îles françaises disposent d'”atouts indéniables” même s’ils sont encore “insuffisamment valorisés”. La stabilité politique, la sécurité sanitaires par exemple sont prisées des seniors et des familles. La richesse culturelle et festive qui rythme la vie des îles pourrait aussi être mieux exploitée ainsi que “la qualité exceptionnelle du patrimoine naturel”.
Outre le classement à l’Unesco des cirques, pitons et remparts de la Réunion, cette île partage avec la Martinique et la Guadeloupe le fait d’avoir un volcan en activité. Donc potentiellement une activité de santé-thalassothérapie axée sur la “silver économie”.
Et s’il manque des lits, alors que seul un accroissement du nombre de chambres pourra entrainer la desserte aérienne, et que quasiment aucune grande chaîne internationale ne s’y est implantée, le développement de l’hébergement diffus comme le gîtes, chambres d’hôtes ou meublés de tourisme “est prometteur pour l’avenir”.
Toutefois aux Antilles, une relance du secteur, qui pourrait créer un cercle vertueux avec la pêche, le transport, l’artisanat et la restauration, reste conditionnée à l’épineuse question de la dette fiscale (50 millions d’euros) des groupes hôteliers, qui réclament un moratoire pour pouvoir s’adapter.