Médias. Semaine de la presse dans les écoles : débat intéressant et croustillant à la CCISM
A l’initiative du Lycée des Îles du Nord et de son proviseur Frantz Gumbs, 76 élèves de terminales avaient hier matin l’opportunité d’interroger et de débattre avec quelques représentants des médias locaux. Le cœur de ces échanges avait été soigneusement préparé en amont avec les élèves par les professeurs documentalistes du LPO avec au centre des séances de travail préliminaires cinq questions particulièrement dans l’ère du temps :
– Redéfinition de la place du journaliste face à l’apport d’internet
– Création de nouveaux supports/formats d’information
– Apparition de nouveaux modes d’accès à l’information
– Le citoyen : un nouveau producteur d’informations avec de nouvelles pratiques de consommation d’information
– Contrôle des sources d’information : fiabilité, vérification, manipulation…
Avec de telles thématiques, SXMinfo ne pouvait décemment décliner l’invitation et c’est donc en compagnie de Jean-Michel Peyrefiche, le boss du Saint-Martin’s Week, et Estelle Gasnet du Pélican que nous nous sommes, Florent Letuvée et moi-même, prêtés à l’exercice depuis la tribune de la CCISM.
Redéfinition de la place du journaliste face à l’apport d’internet
En effet, il n’aura échapper à personne que l’avènement du numérique bat un peu froid la presse papier traditionnelle qui d’ailleurs vit largement sous perfusion d’argent public. Dans ce contexte, le journaliste et le journalisme ont du se réinventer pour tenter de s’approprier les nouveaux outils mis à sa disposition.
Naturellement, à l’échelle nationale et supra, il n’existe pas un journalisme mais bien des journalismes, ce qui est difficilement transposable à Saint-Martin où la presse, faute d’une rentabilité suffisante ne peut se permettre d’employer des journalistes spécialisés et où il est demandé aux rédacteurs une forte polyvalence.
Si l’on n’écrit effectivement pas de la même façon sur tous les médias comme l’indiquait Estelle Gasnet, il n’en reste pas moins que les écrits, pour ce qui concerne la presse professionnelle, répondent toujours aux mêmes canons et à la même déontologie n’en déplaise à ceux qui s’accrochent à un modèle préformaté qui n’est pas forcément adapté à son temps et certainement pas adapté à Saint-Martin.
Ensuite, le journaliste “traditionnel” de la presse papier a du composer avec l’immédiateté du web. En effet, fini pour le lui le temps où il était détenteur unique de “l’exclus” à grand renfort “d’effet de manchette” : aujourd’hui, dans bien des cas, le net a diffusé l’information avant même que les rotatives n’aient eu le temps d’effectuer leur première révolution. Au bilan, une vraie pression, une obligation d’aller plus loin, d’analyser, de décrypter pour proposer aux lecteurs “papier” des articles plus fouillés, éclairés depuis un autre angle pour espérer conserver une plus-value vis à vis de ce que les journalistes web se sont déjà empressés de diffuser. Le web contraint donc, pour le bénéfice du lecteur, la presse papier à se réinventer et nivelle par le haut la qualité de ce que vous pouvez y lire, fini le doux ronron des ordinateurs, du clapotis sur les claviers et retour aux basiques : de l’information de qualité et de l’analyse. De plus, le “pure player” n’est pas tenu à l’obligation de “remplissage”, son espace de publication n’est pas arrêté et il peut pleinement en conformité avec ses choix éditoriaux ne pas s’atteindre à publier “pour remplir”.
Si les élèves se sont montrés particulièrement studieux, vous vous doutez bien qu’avec un panel pareil à la tribune dans ses différences et dans son aspect concurrentiel, nous n’avons pu éviter quelques doux dérapages qui sont venus donner un doigt de piment au débat. Ainsi, lorsqu’Estelle Gasnet évoquait cette immédiateté du net en arguant du fait que le journaliste web se bornait souvent à de la diffusion instantanée et non traitée d’information lambda, Florent Letuvée, créateur de SXMinfo ne pouvait contenir ce commentaire : “La presse professionnelle diffusée online n’est pas une presse au rabais et ne se contente pas de diffuser sans traitement l’information.” Il est plus que caricatural que de poser ce clivage entre presse papier et presse online, puisque bien des sujets sont traités avec autant de professionnalisme sur le web que sur le papier, à la télévision, ou à la radio. Personnellement, c’est bien dans cette espace d’analyse que le plaisir d’écrire et d’informer s’exprime le mieux et c’est sans doute ce que nos lecteurs cherchent aussi dans SXMinfo qui ne se prive pas régulièrement de passer des limites que s’imposent une presse traditionnelle tenue par les subventions ou les annonceurs.
Naturellement, cette petite passe d’arme n’a fait qu’apporter un peu de piquant à cet échange avec les terminales qui n’ont pas eu besoin de beaucoup de temps pour constater qu’en face d’eux deux mondes s’affrontaient avec politesse : ceux qui essaient de préserver leurs acquis séculaires, héritiers de Gutenberg, enfermés dans leurs contraintes de bouclage, d’impression, d’annonceurs et en prise avec de sérieuses difficultés économiques et, de l’autre côté, ceux qui sont en train de bâtir un nouveau modèle économique et pratique en terme de diffusion de l’information et de rapport au lecteur.
Nouveaux supports de l’informations, nouveaux mode de diffusion…
Les enjeux de ces nouveaux modes de consommation de l’information sont multiples et identifiés de tous les spécialistes. En premier lieu, il y a naturellement la mise en difficulté de la presse papier traditionnelle malgré un financement public sans précédent. Il est évident que cette nouvelle génération à laquelle nous faisions face hier n’a aucune habitude de consommation de l’information sur papier et privilégie l’accès permis par les écrans. En ce sens, les débats sont d’ailleurs multiples à l’assemblée nationale comme au sénat quant à la pertinence de tels financement dédiés à la presse papier dans un contexte où pour survivre elle compte avant tout sur l’argent public. Pour information, la presse à l’échelle nationale, ce sont 5 Milliards d’euros de subventions ventilées entre 2009 et 2011 et largement remise en question par la cour des comptes chargée de la chasse au gaspillage.
Il faut dire, et Jean-Michel Peyrefiche le précisait bien, que la presse traditionnelle porte aujourd’hui un héritage lourd en terme de conventions collectives (presse et imprimerie), qu’elle est très consommatrice en terme de masse salariale et que ses contraintes de distribution (pour les quotidiens) ne lui permettent pas de délocaliser en Chine une production qui n’a d’intérêt que si elle porte une information “fraîche”.
Quoiqu’il en soit, le témoignage des élèves est édifiant : l’intérêt du web aujourd’hui réside dans le fait que l’information vous accompagne partout, sur vos tablettes, smartphones et écrans d’ordinateurs et que son flux n’a jamais été aussi nourrit. Difficile dans ce contexte où fleurissent les sources d’informations professionnelles ou moins de faire le tri dans ce qui est important, ce qui l’est moins, ce qui est vrai, ce qui est faux, ce qui relève de la désinformation etc… Mais surtout, pour ces jeunes lecteurs, il est particulièrement complexe de trouver l’envie de s’informer, de chercher et de se forger des goûts ou centre d’intérêts médiatiques puisqu’ils sont en permanence sur-alimentés.
C’est là effectivement qu’il importe qu’en milieu scolaire les habitudes puissent être forgées et le sens critiques affuté pour éviter la banalisation et la mise sur un même plan de toutes les informations : les écoutes de Sarkozy ou les relations personnelles de François Hollande doivent-elles primer dans l’actualité sur le chômage, la faim dans le monde ou les inégalités sociales ? Mais c’est aussi le devoir de la presse professionnelle sans distinction de vecteur que de conserver le leadership dans la sphère médiatique moderne où émergent des médias farfelus et cela ne peut être envisagé que sur la base de deux principaux facteurs : la qualité des sujets et la réforme en profondeur des modèles économiques archaïques.
Mais surtout nouveaux modèles économiques
En ce sens, SXMinfo a bien reçu le message diffusé de façon clair par cette conscience universelle et qui nous informe tous qu’une mutation profonde est en cours, que les modèles s’effondrent et qu’il est urgent que de se réinventer. Il est tout à fait compréhensible que ceux qui détiennent une part de pouvoir, et la presse en fait partie, se donnent les moyens de ne pas la lâcher et luttent pour préserver des acquis au risque de scléroser leurs chances de survie. Mais le train est en marche et même si la relation entre les politiques et les médias “papier” puissants, qu’ils soient nationaux ou régionaux, peut parfois protéger ces derniers de coupes drastiques dans les budgets publics concédés pour les soutenir, le point de rupture est proche.
Si Jean-Michel Peyrefiche identifiait avec justesse le fait que le véritable challenge de la presse papier aujourd’hui est de parvenir à transférer les budgets publicitaires du papier vers le web, il se base essentiellement sur les médias qui ont choisis de se diversifier sous la pression en proposant aux lecteurs une extension de leur produit de base vers le web : tous les médias ou presque disposent aujourd’hui d’une interface sur le net sans pour autant avoir trouvé le moyen d’y fidéliser leurs annonceurs.
Ce n’est en aucun cas la position de SXMinfo, qui dans notre jargon est un “pure player”, un outil créé pour le web et rien d’autre. En ce sens, le modèle économique est quelque peu différent puisque le poids de l’imprimerie en moins, la balance à équilibrer est toute autre. Nonobstant ce fait, SXMinfo reste soumis économiquement à sa capacité à drainer des annonceurs et cela sur un territoire qui en terme de vulgarisation du net ne fait pas figure d’avant-gardiste. Néanmoins, et nous les en remercions, nos annonceurs sont là et ils ne sont pas des moindres. Ils incarnent les entreprises qui ont compris que le virage est à amorcer maintenant. Pourquoi ? Parce que s’il reste important commercialement d’être présent dans la presse papier pour espérer être vu par 5 à 10000 lecteurs le jour de la parution dans un encart aux limites qui ne sont pas extensibles, SXMinfo propose une visibilité 24/24, décloisonnée géographiquement et sans limite d’espace, qui dépasse la barrière de la langue et que de surcroit, nos compteurs affichent 12000 pages vues par jour avec des visiteurs qui passent en moyenne 7 minutes à lire et s’informer autrement.
Pragmatiquement et pour illustrer cela, l’excellent Waïkiki, pilier de l’économie locale en terme de restauration, de fête et de rayonnement touristique a-t-il plus intérêt au regard de ses clients, de leurs âges et de leurs habitudes à être présent en pleine page dans un support papier X ou l’impact souhaité serait-il plus important si le relais été fait et optimisé par le web ? La réponse est évidente, surtout pour les 20-45 ans.
Au delà de la pertinence des choix des annonceurs se pose bien la cohérence du modèle économique. SXMinfo est en passe de se structurer statutairement parlant mais n’optera pas pour un schéma traditionnel de type SARL, SA, SAS ou autre… Le choix est fait que de ne pas répondre aux strictes impératifs économiques mais que de pouvoir intégrer une dimension sociétale avec une volonté d’insertion : SXMinfo sera demain géré par une Association de Presse et, en cela, souhaite participer à la création d’une dynamique nouvelle sur le territoire de la Collectivité de Saint-Martin, fidèle à son slogan original : l’information libre de Saint-Martin. Une place large donc à l’expression, aux rédacteurs occasionnels, à une jeunesse qui souhaite informer et s’informer, à l’insertion et à bien d’autres projets.
Des nouveaux outils difficiles à dompter par nos politiques
Depuis toujours, les médias attirent les politiques comme le miel les abeilles mais sont aussi régulièrement la cible de ceux-ci. Il est évident, et surtout en période électoral, que les médias sont à même de porter ou de couler une campagne et que la relation médias/politiques relève régulièrement du marivaudage, y compris dans les strates les plus élevées de la gouvernances.
Pour autant, l’émergence des nouveaux supports et la vitesse avec laquelle cette révolution s’est opérée n’ont certainement pas permis à la classe politique de s’adapter aux nouvelles contraintes. Nos écrans s’emplissent à loisir d’émissions d’informations/divertissements qui ont pour fond de commerce le fait de jouer de ce décalage entre ce que la technologie peut aujourd’hui et ce que la conscience des politiques et leurs habitudes ont de difficultés à s’adapter.
Localement, le média reste un étrange outil dont on ne sait réellement “pour qui il roule”, dont à du mal à cerner le niveau d’indépendance, qui dérange souvent, épaule parfois. Il n’est pas nécessaire de faire appel à une mémoire trop lointaine pour se souvenir de cet hebdomadaire fort bien fait qui suite à une petite glissade en période électorale avait du mettre la clé sous la porte après avoir étrangement perdu la plupart de ses annonceurs. Sur un autre plan, les journalistes un peu formatés s’étaient indignés il y a quelques années lorsque Sylviane Judith, alors conseillère territoriale, avait lâché qu’il était nécessaire de “vérifier le pedigree des journalistes” avant de leur laisser accéder aux conférences de presse.
SXMinfo, en cohérence avec les réalités territoriales, essaie d’assumer une position parfois ambiguë, entre une réelle volonté de préserver les spécificités qui font l’identité de Saint-Martin et la nécessité de faire progresser la presse, sa liberté et la façon dont elle est considérée en s’affranchissant de mécaniques locales aujourd’hui obsolètes et parfois réticentes.
Pour conclure…
Au bilan, il est évident que certains des élèves présents ont une attirance vers les métiers de la communication et il est tout aussi évident que Saint-Martin a la possibilité d’accueillir une part même petite de ces journalistes ou communicants en devenir. Le recrutement local de journalistes, pigistes ou chroniqueurs compétents est actuellement quasiment impossible or il relève de notre responsabilité de pouvoir créer ces boucles d’excellence qui permettraient à ceux qui sont nés sur le territoire de le retrouver pour exercer leur métier : que demander de plus à un jeune journaliste que de bien maîtriser l’endroit qui sera la source de ses écrits et… d’en maîtriser la langue.
Un autre aspect n’a malheureusement pas pu être évoqué durant ces deux heures d’échanges consacrés à la semaine de la presse : le pure player que nous sommes ne dépend pas strictement de la capacité de ses rédacteurs à être réactifs ou pertinents. Sa force, sa capacité de pénétration de la toile dépend d’un autre métier que celui de journaliste, il s’agit de l’architecte du média web, celui qui conçoit la plateforme et permet à l’information de passer les filtres de Google et autres géants pour la porter par la voie la plus courte et la plus efficace de ce temps, l’information directement dans la poche ou sur le bureau du lecteur. Chez nous, cet architecte est Florent Letuvée qui fût le premier provider internet des îles du Nord et qui est le pilier du modeste succès de notre média.
___________________________________________________Vidéos mises en ligne sans montage. Le sujet monté et condensé est en cours …