Madame la présidente,
Mesdames et messieurs les conseillers territoriaux, cher(e) s collègues,
Mesdames, messieurs,
Il est des conseils territoriaux plus cruciaux que d’autres : celui qui nous amène à examiner et à voter le budget de notre Collectivité pour l’année est, sans nul doute, le rendez-vous politique le plus important qui nous est fixé.
Votre ancien leader, notre ex président, avait coutume de dire « montrez-moi votre budget, je vous dirais de quoi seront faits vos lendemains ». Je reprends à mon compte sa devise, pour vous dire ce que vous savez déjà, et ce que votre budget peine à dissimuler : l’avenir de Saint-Martin tel qu’il s’étale dans vos colonnes de chiffres, est à l’image de son présent, morose, bouché, sans saveur.
Nous reviendrons dans le détail au cours de nos débats sur le budget que vous présentez à notre examen ce jour. J’aimerais toutefois, dans mes propos préliminaires et au nom du groupe d’opposition, formuler d’ores et déjà quelques regrets, que j’accompagnerais d’inévitables questionnements…
Premier regret, madame la présidente : ce nouvel exercice budgétaire n’est pas l’occasion pour votre majorité de tirer le bilan de l’année écoulée. Vos objectifs sont-ils atteints ? Aurez-vous l’honnêteté de faire le comparatif entre le budget réel de 2013 et celui qui nous est proposé ce matin ? …
Déficits dans les deux sections, lourds reports d’une année sur l’autre, bidouillages des fonds d’investissement pour tenter de soutenir les dépenses de fonctionnement…: ce que vous présentez comme un budget revenu à un bien précaire équilibre n’est que le reflet d’un nouvel exercice périlleux de jonglerie. Et c’est là mon deuxième regret.
Troisième regret : l’angélisme qui accompagne cette poudre jetée aux yeux du contribuable. J’ai pu lire que vous parliez d’un budget d’ambition ? Que vous vous réjouissiez de ce que la pression fiscale n’augmenterait pas cette année pour les Saint-Martinois…?
L’équation est pourtant simple : développement économique, basé sur des investissements privés = économie qui se relève = emplois = fini le RSA ! Si vous ne créez pas de richesses, vous continuerez à vous embourber dans cette désespérance sociale ! Votre budget voudrait sauver les meubles : mais c’est à l’enlisement qu’il nous contraint !
Passons…
Je lis que votre majorité a planché sur une série de dispositifs fiscaux dont la finalité serait de rendre notre territoire attractif aux investisseurs potentiels. Présentation est faite de nos « atouts » : vos services louent le multilinguisme des Saint-Martinois ou notre position géographique, c’est bien. En revanche, permettez-moi de sourire quand je lis qu’ils mettent en avant notre « stabilité institutionnelle », le « haut de degré de transparence du territoire » ou notre « monnaie forte ». Vouloir faire de notre appartenance à l’Union européenne un gage de sécurité ou de qualité est louable… Mais c’est surtout ignorer qu’au stade où nous en sommes, cette appartenance nous plombe littéralement à tous les niveaux ! Le taux de change nous plombe, les charges sociales nous plombent, les normes nous plombent, quant à la «transparence», elle n’existe que sur le papier – et le monde entier le sait – quand on ne partage dans les faits aucun fichiers fiscaux avec notre voisin immédiat !
Je vois un bon point dans la mise sur pied de ces dispositifs : il est dans le fait que votre majorité découvre que notre Collectivité jouit de la compétence fiscale, formidable outil pour attirer les investisseurs potentiels au service de la création d’emplois ! Maintenant que vous avez découvert cette compétence fiscale, reste à l’utiliser à bon escient ! Votre méthode en la matière n’est pas, une fois de plus, la bonne puisqu’au lieu de proposer une refonte totale de notre fiscalité, en concertation avec nos forces vives, vous vous contentez d’une politique de la continuité basée sur du patchworking fiscal ! Ces questions relèvent pourtant du B.A.-BA : que voulons-nous pour notre territoire ? Quelles économies doit-on alors privilégier ? Qui veut-on alors attirer ? Par le biais de quels dispositifs ?
La méthode que nous prônons à l’UD, vous la connaissez, je vous en fais grâce : création d’une commission ad hoc sur la fiscalité, 100 jours pour réformer notre outil majeur dans la concertation totale et passer d’un CGI de 700 pages à un code clair et limpide pour les Saint-Martinois et les investisseurs potentiels !
Ce n’est pas votre objectif, puisque, encore une fois, ce que je lis, ce sont des « mesurettes » fiscales telles que une baisse sensible de l’IS sur les objets 3D, sur les droits d’auteurs ou sur l’exploitation de brevets. Que doit-on comprendre ? Que le rédacteur de ces « mesurettes » est un fan de Star Wars ou que Saint-Martin attend Luc Besson ??
Autre mesure : dédier la défiscalisation à des secteurs clé est une bonne idée. Je pense notamment à la rénovation hôtelière. Pourquoi pas, en effet, comme vous semblez le proposer, favoriser par ce biais l’implantation de « call centers » ? Mais… pour quels pays destinataires ? Certainement pas pour l’Hexagone, dont vous ne pouvez ignorer qu’il préfèrera toujours Marrakech à Marigot pour des raisons de coûts et … de décalage horaire !
Vous promettez aussi la création d’un « guide de l’investisseur » ? Parfait ! Mais, encore une fois, avec un CGI « pavé » de 700 pages, c’est plutôt un annuaire qu’il vous faudra éditer ! C’est Air France qui va être contente, elle pourra facturer du surplus de bagages à ces investisseurs !
J’arrête là la plaisanterie : je veux juste souligner qu’en matière d’attractivité du territoire, c’est un projet de société qui compte pour l’investisseur, pas le seul critère fiscal. Le port par exemple : bien sûr qu’il nous faudra le financer de cette manière, mais si le développement du port ne s’inscrit pas dans un projet global, perspective de développement et d’avenir, il n’intéressera pas grand monde !
Vouloir attirer des investisseurs ne doit pas se faire en oubliant les Saint-Martinois. Passer de 3 à 5 ans l’exonération d’imposition foncière pour les locaux neufs par exemple, c’est bien. Mais pourquoi limiter ce dispositif aux seuls « arrivants » ?
Il y a des combats à mener pour les Saint-Martinois : je prends la question sensible de la CSG/CRDS et de tous ces Saint-Martinois qui se sont retrouvés le bec dans l’eau à devoir régler leurs dus depuis 2007 rubis sur l’ongle. Qu’avez-vous fait ? Rien ! Vous vous êtes contentés d’écrire à Bercy pour demander que dorénavant, il faudrait qu’ils préviennent plus tôt ! On croit rêver ! Pourquoi vos services ne se sont-ils pas interroger sur la nature même de ces dispositifs ? S’agit-il d’un prélèvement ou d’une taxe ? S’il s’agissait d’une taxe, comme vous auriez dû le faire valoir, elle aurait été du domaine de compétence de la COM et la question aurait été réglée ! Aujourd’hui ce n’est pas le cas et ce ne sera pas sans conséquence pour les Saint-Martinois bien sûr, mais aussi pour les caisses de la Collectivité : car je mets ma main au feu que les gens qui vivent de leur investissement locatif n’auront peut-être pas beaucoup d’hésitation à ne plus jouer le jeu en déclarant la totalité des loyers qu’ils perçoivent. Et ce sera un manque à gagner pour nous tous quand cela viendra à manquer sur les feuilles d’imposition !
La seule question qui vaille est : quel avenir voulez-vous pour Saint-Martin? Quel est votre projet de société ? Vous ne répondez pas à cette question et votre budget n’y répond pas non plus ! C’est un budget d’angoisse de frigo vide, de politique du jour le jour. Saint-Martin doit pouvoir mériter la compétence au service de l’ambition.
Je vous remercie