Santé. La coopération avance, à petits pas… mais elle avance
L’épidémie de chikungunya n’y est sans doute pas pour rien : une déclaration d’intention a été signée hier entre le Gouvernement de Sint Maarten représenté par le Ministre de la Santé Van Hugh Cornelius De Weever et le gouvernement de la République Française représenté lui par le Préfet délégué Philippe Chopin. Cette déclaration vient border l’organisation de la prévention et de la lutte contre les maladies à transmission vectorielles.
Sur la forme…
Comme l’a lui même dit Philippe Chopin en s’en félicitant pour l’île en général, cette déclaration d’intention marque la volonté de l’état d’avancer sur le terrain de la coopération avec Sint Maarten, à petits pas mais à petits pas décidés. Un de plus, puisqu’il existe d’autres volets qui illustrent cette volonté en matière de catastrophe naturelle, de sécurité ou d’immigration notamment. Le document intègre et enrichi la Déclaration d’Intention de Coopération signée le 12 février 2012 entre le gouvernement de la République Française, le gouvernement de Sint Maarten et le Conseil territorial de Saint-Martin.
Sur le fond…
Les deux parties, et la Collectivité naturellement invitée à signer par pur soucis de diplomatie locale, ont donc convenu :
• De se transmettre régulièrement les informations épidémiologiques relatives à ces maladies ;
• De se transmettre dans les meilleurs délais toute alerte sanitaire ou événement anormal relatif à ces maladies ou à leurs vecteurs ;
• De s’entraider pour une promotion du programme de lutte contre les moustiques et d’assurer un contrôle efficace
• De planifier, exécuter et évaluer une réponse commune dans le cadre des protocoles relatifs aux menaces identifiées;
• D’examiner favorablement, dans la limite des moyens humains et financiers dont ils disposent, toute demande de soutien émanant de l’autre partie de l’île dans les domaines suivants:
- Surveillance épidémiologique ;
- Surveillance entomologique;
- Lutte contre les vecteurs ;
- Communication et mobilisation sociale ;
- Contrôle Sanitaire aux Frontières ;
- Tests de diagnostics de spécimens ;
• D’activer en cas de menace sanitaire grave ou de risque épidémique un Comité de Coordination composé:
- des services de la Préfecture de Saint-Martin
- de représentants désignés par les services de santé du Gouvernement de Sint Maarten ;
- de représentants de la Délégation Territoriale de Saint-Martin d’une part et en cas de besoins – d’experts de !’Agence de Santé de Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy,
- d’autre part désignés par le Directeur Général de I’ Agence de Santé de Guadeloupe, Saint- Martin et Saint-Barthélemy ;
- des services du Pays de Sint-Maarten ;
- de représentants de la collectivité de Saint-Martin désignés par la présidente de la collectivité de Saint-Martin.
Au delà du fond et de la forme…
Saint-Martin, depuis le début de l’épidémie, compte à ce jour 2913 cas évocateurs du chikungunya pendant que Sint Maarten annonce 224 cas effectifs. Un écart qui tendrait à confirmer que le moustique a pris l’habitude de faire demi-tour face à une frontière pourtant inexistante. Mais il n’en est rien, cette différence révèle surtout une complète dissonance dans la gestion de l’épidémie que ce soit dans le mode d’identification des cas ou dans les choix de communication adoptés pour l’enrailler ou l’assumer.
Côté français, principe de précaution oblige, des points presse sont organisés régulièrement avec néanmoins un certain niveau de conscience vis à vis du fait que le pilier économique qu’est le tourisme ne supporterait que très mal une sur-médiatisation de l’épidémie. Au bilan, les professionnels du tourisme se sont eux déjà penchés sur l’addition opportune, comme pour indiquer à l’état qu’à l’instar des réunionnais, ces pertes devraient pouvoir trouver compensation : pour le moment, une perte d’1M€ est avancée.
Côté néerlandais, le niveau de conscience est placé bien plus près des intérêts économiques de l’île et la communication se fait donc autrement, ce qui n’empêche pas les campagnes de prévention et de sensibilisation. A la question relative à l’impact économique de cette épidémie, le Ministre De Weever peut alors répondre en toute honnêteté que celui-ci, pour ce qui concerne Sint Maarten, relève surtout de l’incapacité de travail des 224 personnes malades du chikungunya.
Quoiqu’il en soit, pour les résidents de Saint-Martin, même si l’épidémie connait une accalmie, le mot d’ordre reste la lutte contre Aedes Aegypti, le moustique vecteur du chikungunya et de la dengue. Pour minimiser quelque peu les risques environnementaux liés à la déltaméthrine passablement décriée même si autorisée par la CEE, les pulvérisations vont donc être moins nombreuses. Les services chargés de la lutte et de la prévention, dont l’ARS, vont donc, le temps de confirmer cette embellie dans le contexte épidémique, redoubler d’efforts pour que le citoyen soit sensibilisé à l’impérieuse urgence de maîtriser son propre environnement : éliminer les gîtes larvaires, éviter de se faire piquer etc… Car si l’épidémie connait effectivement une phase moins lourde en terme de cas, les conditions météorologiques qui privent le territoire de pluie et donc le moustique de lieux de reproduction peuvent en être la cause. A l’heure actuelle, personne ne sait si le pic épidémiologique est derrière ou devant nous.
Témoignage de l’âpreté en terme de trésorerie que vit la Collectivité, la Présidente Hanson, qui a su mobiliser ses services et ce dont elle dispose comme moyens (58 000€ débloqués pour participer à l’effort et à la lutte), n’aura pas oublié de demander au Préfet Chopin d’envisager une compensation de cet effort financier. Tout à son habitude, le Préfet de répondre par une petite phrase empruntée à la vox populi du Nord Pas de Calais : “C’est à la fin du bal que l’on paie les musicien”. La porte n’est donc pas fermée à une éventuelle compensation et le Préfet ajoutait qu’une solution était actuellement à l’étude pour que l’Etat puisse avec l’ADEME trouver les solutions nécessaires à l’évacuation des carcasses de véhicules qui sont aussi des gîtes pour les moustiques au delà d’être une hérésie pour un territoire qui se veut touristique.
Pour conclure…
Nous voici donc devant ce qu’il faudrait considérer comme un cas exemplaire de coopération entre deux pays, la France et Country Sint Maarten, mais ces territoires souverains (ou presque) vivent des inerties bien différentes. Pour que cette simple “déclaration d’intention” puisse être signée, il aura fallu au Préfet qu’il obtienne un validation du contenu par les Ministères de la Santé et par celui des Affaires Etrangères… heureusement qu’il n’y a pas d’urgence et que l’épidémie n’a que 6 mois. De son côté, Sint Maarten assume son autonomie avec la vitesse de ses urgences et de ses projets. Les rouages administratifs et la chaîne de décision n’y ont certainement pas la complexité de la mécanique française, vieille machine qui peine à se mouvoir dans un monde qui subit une accélération et l’empêche donc de se réformer en profondeur.
La Collectivité ? Et bien même si la Loi Organique nous concède une once d’autonomie mais pas un kopeck pour l’assumer, nous n’avons en fait que très peu de latitude pour faire briller 1648 à la hauteur de l’unité encore vécue par certains et souhaitée par d’autres entre Sint Maarten et Saint-Martin. A la table des négociations, nous ne pesons en fait que le poids de la correction et du protocole.
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Déclaration d'intention en anglais (400,8 KiB, 580 hits)