Question de Monsieur Daniel Gibbes, Député de Saint-Barthélemy et Saint-Martin à Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice
Madame la garde des sceaux, j’ai eu l’occasion, par le biais de questions écrites, de plusieurs courriers et de rencontres avec vos conseillers techniques place Vendôme, de vous sensibiliser à un sujet important pour la collectivité de Saint-Martin : je veux parler de l’impossibilité, pour les forces de l’ordre de Saint-Martin, de verbaliser les automobilistes en infraction en raison du non-paiement de la taxe routière en vigueur sur ce territoire.
Malgré mes nombreuses demandes, je n’ai malheureusement jamais obtenu la moindre réponse précise à mes questionnements ; aussi, permettez-moi de m’en refaire directement l’écho ce matin, à l’occasion de cette séance de questions orales sans débat.
Comme vous le savez, madame la ministre, l’article LO. 6314-3 du code général des collectivités territoriales dispose que la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin fixe les règles applicables en matière de circulation routière et de transports routiers. C’est sur ce fondement que le conseil territorial de Saint-Martin a adopté la délibération CT 27-1-2010 du 25 mars 2010, modifiée par la délibération CT 28-3-2010 du 11 mai 2010, introduisant des dispositions nouvelles relatives à la délivrance du certificat d’immatriculation des véhicules dans la collectivité de Saint-Martin.
En 2010, le conseil territorial de Saint-Martin a délibéré sur la sanction pénale relative à la taxe routière. Un décret du Gouvernement n o 2010-359 du 6 avril 2010, pris en application de l’article LO. 6351-3 du code général des collectivités territoriales, crée cette sanction pénale « relative aux infractions sur le non-paiement de la taxe routière automobile » à Saint-Martin. Mais pour que les forces de l’ordre puissent verbaliser les contrevenants à la nouvelle législation locale, encore faut-il qu’un code dit « NATINF » soit défini ; or, nous l’attendons toujours.
L’absence de ce code, qui doit être créé par la chancellerie, et que Saint-Martin attend depuis quatre ans, empêche de faire respecter les normes de la circulation routière en
vigueur sur le territoire et pénalise la collectivité sur le plan fiscal.
Madame la ministre, ma question est la suivante : quand la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin se verra-t-elle enfin octroyer ce code ?
Mme Christiane Taubira , garde des sceaux, ministre de la justice
Monsieur le député Gibbes, il serait vraiment regrettable que certains usagers, contrevenant aux règles en vigueur, aient pu échapper à des sanctions, et bénéficier en quelque sorte d’une forme d’impunité, sur la base de ce qui n’est rien d’autre qu’un malentendu. Ce code NATINF n’est en effet nécessaire, ni au constat de l’infraction ni à la poursuite du contrevenant.
Monsieur le député, vous avez alerté, en premier lieu, le ministre des outre-mer, M. Lurel, qui vous a adressé une réponse, qui, je l’espère, vous est parvenue ; pour ma part, j’en ai eu connaissance.
J’ai souhaité que vous puissiez assister aux séances de travail qui ont été conduites. Je suis désolé que les éclaircissements nécessaires ne vous aient pas été fournis, mais il s’avère que ce code NATINF, nécessaire aux échanges entre ministères, a pour principale finalité de procéder au recensement statistique, afin de rendre possible le travail sur les infractions constatées et traitées. Son absence ne constitue donc pas un obstacle juridique, en tout cas au regard des éléments qui nous sont fournis.
Je vous vois très perplexe : je m’exprimerai cette fois au conditionnel pour vous redire que l’absence de ce code ne serait pas un obstacle juridique à la constatation des infractions ni à leur poursuite.
En revanche, ce code NATINF est nécessaire à l’établissement de statistiques sur la poursuite et le traitement des infractions. Cela a justifié la tenue d’une première réunion de travail entre le ministère des outre-mer et le ministère de la justice, qui a traité de cette taxe routière créée à Saint-Martin. À cette occasion, il a été établi que le travail informatique allait s’articuler entre nos applications, qui constatent les infractions, et celles qui procèdent au recouvrement des amendes et qui, comme vous le savez, relèvent plutôt du ministère du budget.
Aussi, je le répète, l’absence du code NATINF ne constitue-t-il pas, normalement, un obstacle juridique à la constatation et à la répression des infractions.
M. Daniel Gibbes. J’entends bien votre réponse, mais il me semblait que l’utilisation de ce code NATINF était subordonnée à la création d’un logiciel. C’est en raison de l’absence de ce logiciel que l’on ne peut, aujourd’hui, appliquer la réglementation.
Mme Christiane Taubira , garde des sceaux. Sous réserve d’une ultime vérification, je vous confirme que les infractions peuvent être constatées et poursuivies. N’avez-vous pu mettre en oeuvre aucun constat ni engager aucune poursuite depuis l’entrée en vigueur de la loi ?
M. Daniel Gibbes. Pas la moindre.
Mme Christiane Taubira , garde des sceaux. Il existe toutefois d’autres délits routiers à Saint-Martin, qui peuvent être constatés et poursuivis. Selon les mêmes procédures, l’infraction nouvelle créée en 2010 doit pouvoir être pareillement constatée et poursuivie. Mais je suis portée, a priori , à faire confiance aux élus, qui sont sur le terrain et constatent les choses. Si les éléments qui m’ont été fournis par l’administration centrale et vérifiés par le cabinet semblent formels, et me conduisent à vous affirmer cela, je vous indique toutefois, compte tenu de votre perplexité, que je procéderai personnellement à une ultime vérification pour déterminer la difficulté pratique éventuelle à laquelle vous seriez confrontés, car il n’est évidemment pas supportable d’envisager que des personnes en infraction bénéficient de cette impunité. Je vous en rendrai compte très rapidement.