Monsieur le Président de la Commission des Lois, Messieurs les rapporteurs,
Je vous souhaite une chaleureuse bienvenue sur notre belle île de Saint-Martin, dont vous avez certainement déjà du apprécier les nombreux charmes et atouts, malgré le temps court consacré à votre déplacement.
Je vous remercie d’avoir bien voulu échanger avec les élus de la collectivité territoriale afin d’alimenter de manière substantielle votre rapport final.
Compte tenu du temps consacré à cette séance de travail, mon propos sera forcément ramassé, mais vous permettra tout de même, je l’espère, de saisir les grands enjeux, les contraintes et difficultés, ainsi que les perspectives qui s’offrent à nous.
Mon propos s’articulera autour de 5 points essentiels :
1) Je veux avant toute chose, évoquer la nature même de la collectivité de Saint-Martin qui est caractérisée par une « identité juridique brouillée ».
Le législateur a en effet prévu, à tort, à mon avis que la collectivité soit à la fois, une commune, un département et une région.
Un « hermaphrodite institutionnel », un « patchwork de compétences », mais qui à la vérité, est davantage perçu comme une institution communale atypique.
L’aspiration politique profonde de l’ensemble des politiques saint-martinois et de la société saint-martinoise résidait dans la mise en œuvre d’une collectivité sui generis qui avait été soigneusement pensée.
Mais, ce ne sont pas les Saint-Martinois qui font la loi.
Du point de vue de nos relations avec l’Union Européenne, comment comprendre ? Comment expliquer que Saint-Martin qui a fait le choix d’une collectivité régie par l’autonomie,en passant par le filtre démocratique, soit privée de programmes opérationnels FEDER et FSE ?
Une dotation générale apparaît dans les PO de la région Guadeloupe.
Je suis au regret de constater que nous sommes finalement considérés comme un succédané de région française : encore une bizarrerie juridique et institutionnelle !
2°) Deuxièmement, si la collectivité saint-martinoise est sans conteste une collectivité de la République, dont dispose le titre XII de la Constitution, nous constatons, avec dépit, que l’administration déconcentrée révèle des insuffisances chroniques.
C’est la raison pour laquelle nous plaidons pour la mise en place d’un Haut-Commissariat correspondant à ce qui existe pour les collectivités régies par l’autonomie.
3°) Troisièmement, d’un point de vue interne à la collectivité, je veux insister sur trois éléments :
Le premier : Nous avons trouvé notre rythme en ce qui concerne la gouvernance politique de la collectivité. Nous avons opté, pour favoriser l’esprit de concorde qui préside à l’efficacité de la décision publique, pour la présence d’un élu de l’opposition au sein du conseil exécutif.
Nous avons également prévu que 3 conseillers territoriaux collaborent aux délégations attachées à chaque vice-président.
Le second : concerne le statut de l’élu localqui doit procéder d’un modèle sui generis, puisque l’élu saint-martinois est en même temps conseiller municipal, conseiller départemental et conseiller régional.
Il convient par ailleurs que ce statut soit pensé en lien avec l’activité professionnelle de l’élu lui permettant de subsister à ses besoins.
Le troisième élément : a trait au sous-encadrement de l’administration locale.
Ainsi, nous envisageons, dans une réflexion que nous voulons très vite engagée, la mise en œuvre d’un « institut d’études supérieures saint-martinois » dédié à la formation des fonctionnaires territoriaux et à la bonification de leur qualification.
Nous compterons d’abord sur nos propres forces, mais aussi sur le concours de l’Etat pour ce faire, puisqu’il s’agit de politique d’enseignement supérieur.
Cette structure d’enseignement supérieur pour Saint-Martin pourra également faciliter la formation d’enseignants que nous désirons voir recruter à partir du bac + 3 pour tenir compte de la situation très singulière de ce territoire, comme vous avez pu le constater et vous l’entendre dire.
Cette idée me permet de faire la transition sur le 4ème point qui est relatif à la politique éducative et à la réussite éducative
4°) Les discours lénifiants du rectorat sur les progrès réalisés par l’enseignement scolaire sont à relativiser.
Pour ne donner qu’un seul chiffre en terme de rapport : sur 600 élèves environ, qui intègrent le second degré, ce sont simplement, 220 qui accèdent, cette année par exemple, à la classe de terminale.
L’enjeu de la politique éducative ainsi que son succès sont vitaux pour Saint-Martin. Car comme vous le savez, autant de jeunes en situation d’échec, c’est autant de deniers publics à mobiliser plus tard pour tenter de construire une politique sociale dont on ignore évidemment à l’avance les résultats.
Je propose donc de travailler en amont :
– en profilant les postes d’enseignant avec une forte implication dans les choix, par la COM de Saint-Martin.
– la création d’une inspection académique,
– la création d’un centre international d’études pédagogiques.
5°) Après 7 ans d’existence de la Collectivité de Saint-Martin, nous déplorons les tergiversations de l’Etat, pour ne pas dire parfois son incurie en matière d’immigration notamment. Ce qui a pour effet de générer des dépenses sociales faramineuses pour la collectivité.
La réclamation d’une mission de l’IGAS demeure d’actualité ; nous demeurons dans l’attente du rapport de l’inspection générale de l’administration qui a récemment visité l’île.
Nous proposons en matière d’hospitalisation des étrangers, la mise en place d’un plateau médical de coopération.
En matière financière et fiscale, c’est le désordre le plus complet.
Je salue l’héroïsme des élus, des fonctionnaires territoriaux et de la population saint-martinoise dans un tel contexte.
Le manque à gagner fiscal est une gangrène qui fait obstacle à l’épanouissement économique, social et culturel de la partie française de ce territoire.
Je citerai à titre d’exemples non exhaustifs :
– la faiblesse du recouvrement ;
– la suppression de la taxe d’habitation ;
– l’impossibilité de recouvrer la taxe routière ;
– les problèmes liés à la taxe foncière ;
– le non-versement par la DRFIP des recettes fiscales qui sont dues à la collectivité
Nous demeurons, également dans l’expectative, pour ce qui concerne la constitution de la commission paritaire Etat-collectivité d’outre-mer sur le rattrapage des infrastructures.
En matière de politique de la justice, nous plaidons pour la création d’une entité judiciaire autonome (Tribunal de première instance ou chambre détachée du TGI).
En conclusion
Le propos politique que je viens de tenir devant vous, n’a pas d’autre objectif que de vous éclairer, et de vous permettre de nous apporter par votre travail de contrôleur du gouvernement, de représentants de la communauté nationale, de législateur le meilleur concours, afin de parvenir à l’efficacité la plus grande possible de l’action publique à Saint-Martin, en privilégiant en tout temps le principe de réalité.
Je vous remercie.