Colloque “Langues Régionales” à l’Assemblée Nationale – Compte rendu de la FELCO

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Par Autre 7 Juin 2014 11:26

Colloque “Langues Régionales” à l’Assemblée Nationale – Compte rendu de la FELCO

Ce colloque, à l’initiative de la députée Colette Capdevielle (64), en collaboration avec les députés bretons Jean-Jacques Urvoas et Paul Molac, est une première que nous nous devons de saluer.

Le colloque s’est tenu dans la salle dite Colbert de l’Assemblée, sous un tableau qui représentait Jaurès, symbole salué par plusieurs orateurs.

Deux tables-rondes étaient prévues :

  • l’une sur la Charte Européenne des Langues Régionales et Minoritaires, à laquelle prirent part Jean Marie Woerhling, juriste, Ferdinand Melin Soucramenien, juriste, Jean Pierre Massias, professeur de droit public, modérateur du débat, Denis Costaouec, linguiste, Xavier North, DGLFLF (http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf/), et David Grosclaude, Conseiller Régional dAquitaine.
  • l’autre sur l’enseignement : David Redouté de Div Yezh (association des parents d’élèves bilingues breton / français – école publique : http://www.div-yezh.org/) et Marie Jeanne Verny (pour la FELCO http://www.felco-creo.org/ e la FLAREP http://www.flarep.com/) représentaient l’enseignement public. Ana Vari Chapalain (Diwan), Paxkal Indo (Ikastola) représentaient l’enseignement associatif. Le député Paul Molac, ancien president de Div Yezh, fut le modérateur du débat.
  • Le colloque fut ouvert par C. Bartolone, président de l’Assemblée et clos par JJ Urvoas, président de la commission des lois.

Nous allons commencer par l’école puisque c’est sur ce point que j’avais un mandat de la FELCO et de la FLAREP.

Les représentants de l’enseignement associatif comme de l’enseignement public furent d’accord pour des exigences de qualité de la langue enseignée qui supposait une quantité suffisante de maîtres formés. Tous s’accordent sur la mission de l’école pour former de nouveaux locuteurs de nos langues écrasées par des années de monolinguisme pathologique.

Ils se sont également accordés sur le caractère ouvert et formateur de l’enseignement des langues régionales, qui séduit les familles, au-delà de l’intérêt culturel et de la création de liens transgénérationnels. L’apport du bilinguisme précoce aux capacités cognitives des enfants n’est plus à démontrer… au moins pour une part informée de la société.

Les représentants du public ont insisté pour dire la place essentielle de l’école publique pour augmenter le nombre d’enfants touchés par cet enseignement.

D’abord pour des raisons démographiques : la majorité des enfants de France sont scolarisés à l’école publique. Si nous visons une reconquête de nos langues en société, ce sont ces enfants et leurs familles que nous devons toucher. Se contenter de répondre à la demande des familles (même s’il faut le faire, ce qui est loin d’être toujours le cas…), c’est ignorer le fait que des familles non informées ne peuvent pas demander, d’elles-mêmes, une culture reniée par des siècles de minoration. Les militants de l’enseignement public ne travaillent pas pour des gens convaincus, ils travaillent pour convaincre des gens maintenus dans l’ignorance.

Ce qui nous amène à des raisons politiques : l’école de la République a ignoré – et même réprimé – les langues de la République, pendant près de deux siècles. C’est à cette école de la République, en accord avec le nouvel article 75-1 de la Constitution (Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France), de faire vivre, maintenant, ces langues, et non pas de se reposer sur l’initiative privée ou associative, aussi héroïque soit celle-ci.

Nous avons également insisté sur les avancées récentes : les articles nouveaux de la loi Peillon, qui dans sa première version avait « oublié » les langues régionales, articles obtenus grâce à un travail intense de 6 mois, en contact avec les parlementaires, les services ministériels, dans la liaison avec 17 associations de parents et d’enseignants.

Toutefois, des problèmes de terrain subsistent que nous avons dénoncés encore et toujours.

  • inégalité de traitement entre les langues de France qui se traduit par un maillage très inégal du territoire en matière d’offre publique (sites bilingues, postes de professeurs de lycées et collèges…) et nous avons donné l’exemple, une fois de plus, des académies occitanes du Nord sinistrées.
  • Sur ce point, nous avons redemandé la reconnaissance du flamand et du francoprovençal par l’Éducation Nationale.
  •  manque de moyens, pour les postes au CAPES notamment
  • – manque de sérieux dans la prise en compte de la question au Ministère : 3 chargés de mission différents successifs depuis le nouveau gouvernement, et la nécessité, pour les associations de réexpliquer éternellement les mêmes choses…

Sur la Charte…

Le débat a mis clairement sur la table les questions et les problèmes, aussi bien symboliques, que juridiques. Il n’a pas permis de savoir clairement quelles étaient les intentions du Sénat, après la belle réussite du vote à l’Assemblée Nationale.

Sur le plan juridique, les choses sont compliquées : les juristes présents n’avaient pas tous confiance en une recevabilité constitutionnelle de la Charte. D’autre part, le fait que les 39 articles signés – et non ratifiés – par la France, correspondent plus ou moins à ce qui se fait déjà, a été souligné. De même qu’il a été dit qu’une loi serait nécessaire pour accorder aux langues régionales une véritable protection qui arrête ou au moins ralentisse un processus de disparition hélas bien engagé. Il faut noter en particulier que plusieurs parlementaires semblent sur cette position.

Sur le plan symbolique : qu’est-ce que cette France donneuse de leçons au niveau international et qui n’est pas capable d’appliquer sur son territoire la démocratie linguistique et culturelle ? Ce que David Grosclaude a ainsi résumé : certains députés présents allaient rencontrer Raoni qui défend son peuple d’Amazonie : fort bonne chose et nous sommes solidaires de cette lutte. Mais ne faudrait-il pas aussi, toutes proportions gardées, balayer devant sa porte ?

Importance plus que symbolique, soulignée par plus d’un : les débats publics que suscitent les discussions parlementaires, débats publics qui sont plus que nécessaires dans un pays où nous souffrons plus d’ignorance entretenue que de véritable hostilité de la part de la société.

Que dire de ce colloque ?

D’abord que c’est une première, saluée unanimement par tous les participants. Ensuite qu’il manifeste, de la part de la représentation nationale, un intérêt nouveau, dépassionné.

Il est évident que les mobilisations militantes, manifestations et contacts réguliers avec les élus, sont pour beaucoup dans cette prise de conscience nouvelle.

Pour ce qui concerne la FELCO, notre mise à jour régulière des dossiers de l’enseignement, régulièrement communiqués aux parlementaires, après des enquêtes minutieuses auprès de nos diverses académies, comme notre travail fédérateur de l’an dernier à l’occasion de la loi Peillon, nous ont posés comme interlocuteurs crédibles. Nous en voulons pour preuve le nombre de plus en plus grand d’élus qui font écho à nos courriers.

Le nombre important d’élus présents dans la salle Colbert a été aussi une preuve de cet intérêt : députés ou sénateurs, j’en ai compté une vingtaine, de tout bord, de Marc Le Fur (UMP) a André Chassaigne (PCF), en passant per Jean Lassalle (non inscrit), Paul Molac, bien sûr (apparenté UDB) et, bien sûr, un grand nombre d’élus socialistes, essentiellement bretons ou aquitains. Pardon de ne pouvoir nommer tous ces élus… Je me contente de ceux qui sont intervenus ou avec lesquels j’ai eu l’occasion d’échanger quelques mots : outre ceux déjà nommés, J. Cresta (66), J-P. Alossery (Nord) , les sénateurs G. Labazée ou F. Ispagnac (64), ou M. Blondin (29).

Il faut saluer aussi la place faite au débat avec la salle, une salle remplie de gens venues de toutes les langues régionales, et même d’autres horizons, comme Charles Conte, de la Ligue de l’Enseignement, avec lequel la FELCO entretient des liens réguliers.

De la salle sont intervenus, en plus des parlementaires, F. Maitia, president de l’OPLB, mais aussi des militants des langues régionales, comme le représentant de l’ANVT, pour la langue flamande ou une représentante du poitevin-saintongeais ou encore Tangi Louarn, délégué de Kevre Breizh, coordination des fédérations culturelles de Bretagne ou un jeune militant pour le français au Québec. Une représentante de Diwan Paris a posé la question de la place des langues régionales en dehors de leur territoire « historique », question qui faisait écho à ma remarque sur la disparition de l’enseignement public de l’occitan en région parisienne à la rentrée 2013…

Quelques inquiétudes ou questionnements.

Les conclusions de J.J. Urvoas portaient, entre autres, sur le lien entre décentralisation et langues régionales.

Pour la FELCO la question est – pour le moins – problématique et le récent découpage régional qui fait sortir Auvergne et Limousin des Régions occitanes n’est pas pour nous rassurer…

J’ai posé la question, hors séance, à J.J. Urvoas, du risque de désengagement de l’État… Il m’a dit qu’il n’y avait pas de risque… Certes, mais si J.J. Urvoas avait réaffirmé, en tribune, la place de nos langues comme patrimoine de la Nation et le rôle majeur de l’Etat dans leur protection et leur transmission, j’aurais été plus tranquille, et d’autres avec moi.

Je rappelle les positions de la FELCO sur le partage des compétences Etat/Collectivités : http://www.felco-creo.org/mdoc/docs/t_doc_2_20131210212609.pdf.

Bien sûr, ce colloque n’avait pas valeur législative. Cependant les élus présents nous ont affirmé que la réflexion bâtie leur servirait dans leur travail législateur. Des actes du colloque doivent d’ailleurs paraître…

L’initiative était le signe, plusieurs fois salué, de l’élévation du niveau des débats sur la question des langues régionales.

Ce que j’ai exprimé en disant que l’on entendait de moins en moins les pleurnicheurs (vous savez, ces élus qui ont une grand-mère qui parlait un “patois” qu’eux ne peuvent pas parler..) ou, pire, des ricaneurs (ceux qui vous parlent cassoulet ou tripoux quand vous parlez langue et culture). Et nous avons dit que nous ne voulions plus des ricaneurs ni des pleurnicheurs, que c’est de dignité que nos langues avaient besoin. De même que nous voulions que nos questions soient de plus en plus prises au sérieux, ce qui est la tendance.

 

Compte-rendu établi par Marie-Jeanne Verny, déléguée FELCO et FLAREP au colloque.

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