300 jours au Brésil, “A copa”: ce qui s’est vraiment passé
C’était génial. Enfin non.
Des habitants ont été déplacés.
Des SDF ont été massacré.
Des touristes se sont fait agressés alors qu’on leur avait promis un pays sûr
Des civils ont subi la violence démesurée des forces de l’ordre alors qu’ils manifestaient pacifiquement.
Des millions ont été dépensés. Et pendant ce temps, beaucoup trop n’ont pas accès à un logement décent, beaucoup trop n’ont pas accès à la santé, beaucoup trop n’ont pas accès à l’école.
Mais qu’on se le dise: le but de la FIFA n’a jamais été de régler les problèmes des pays hôtes de la Coupe du Monde, ni d’empêcher les graves conséquences sociales qu’entraînent l’organisation du Mondial. Le but de la FIFA est simple: organiser un événement sportif mondial au long d’un mois de fête qui marquera tous ceux qui l’ont vécu, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du stade. Et de ce côté, ils ont réussi. Biensûr, tous n’étaient pas ravis. Le monde a tremblé de peur en voyant ses masses de Brésiliens défilant en 2012, furieux, dénonçant le total pharaonique des coûts de la Coupe du Monde. Et jusqu’au bout, il y a eu des manifestations car les Brésiliens aiment le foot, mais ils aiment aussi avoir un toit, aller à l’école et être en bonne santé par exemple…
Il ne faut cependant pas négliger la dimension partisane de ces manifestations. Dans les rues, ce n’était pas les Brésiliens touchés par la pauvreté qui défilaient. Il ne s’agissait pas de la soudaine politisation d’une classe majoritaire et pourtant marginalisée. Il s’agissait surtout de jeunes de la classe moyenne de droite. Comprenez par cela: opposé au Parti Travailliste (PT) de Dilma Rousseff ( et Lula). Car qui dit Coupe du monde réussie, dit Victoire garantie du PT aux élections de 2014.
La majorité des manifestants avaient en fait le même profil que ceux qui ont scandé pendant l’Ouverture de la Coupe du Monde “Dilma, va te faire enc*ler!’. Mais le Brésil est un pays qui aiment le foot (et aussi plein d’autres choses que les stéréotypes vous empêchent d’imaginer). Et donc, malgré les “Não vai ter copa” (il n’y aura pas de coupe du monde: oui, il y a eu la Coupe du Monde. Et c’était plutôt génial (côté fête).
Qu’on se le dise, bouder la Coupe du Monde en restant chez moi n’aurait pas été un mode de contestation utile contre ce monstre assoiffé qu’est la FIFA. Et puis, je ne suis pas de ceux qui fuient la fête, ni les émotions d’une Coupe du Monde au Brésil (de n’importe quel événement à Salvador d’ailleurs)! Il y avait une ambiance particulière pendant la Coupe du Monde que j’ai pu ressentir même loin des stades: la ville était bondée, il y avait plein de fêtes, mais une fois un match de la Seleção commencé, plus un chat dans les rues.
La tension que toute la foule ressent en suivant le ballon des yeux, la frustration d’un corner raté, l’agacement d’un match “mal arbitré” et l’allégresse, les cris, les sauts de joie, les embrassades, les pétards, les pluies de bières que déclenchent le ballon au fond du filet. Au fond du bon filet bien sûr.Car quand il se retrouve au fond de vos filets 5 fois en moins de 20 minutes, c’est une autre histoire: des regards livides, l’incompréhension bégayée, le déni, l’envie de se réveiller d’un mauvais rêve. Pour d’autres, ce sont des larmes de rages, des tee-shirt jaune et vert déchirés.
Mais en même temps, ça va si vite qu’on n’a même pas le temps d’en souffrir, une espèce de mort rapide. Et avant dès la mi-temps, les téléphones sonnent, on en rit déjà. On s’envoie les meilleurs “memes” face au résultat: une énorme choppe allemande écrasant un cocktail brésilien, Angela qui s’excuse auprès de Dilma d’avoir payé en euros, Le nouvel avion Gol de la sélection, avec le nom de la compagnie estampé 7 fois et une MULTITUDE d’images plutôt hilarante.Et le lendemain, la vie continue, on va au travail, on se raconte ce qu’on faisait lorsque les buts ont été encaissés:”Je me suis retournée pour prendre quelque chose à boire:
-“Quand je me suis retourné, j’ai cru qu’on passait le replay d’un but; j’ai demandé confirmation et on m’a répondu qu’il s’agissait d’un but de plus!”
-“Après le deuxième but, je suis allé aux toilettes; le temps que je revienne, il y en avait déjà deux autres!”
-” Après le quatrième but, le gérant du bar a carrément éteint la TV! Les gens se sont plaints donc il l’a rallumée; mais une fois le match fini, il a mis de la musique et tout le monde a commencé à danser”.
On rit, on rit beaucoup. On repense à la stratégie, on dit comment on aurait organisé l’équipe, quels étaient les faiblesses de la formation, à quel point Felipão a mal pensé l’agencement de ses joueurs…Mais jamais on ne s’apitoie car la vie ne s’arrête pas, puisque la vie c’est bien plus que ça; le Brésil c’est bien plus que ça! On pense à la nécessité de donner plus de valeurs aux autres sports ou l’on se défend bien (le volley féminin par exemple), mais pas besoin d’anti-dépresseurs, ou de journées de convalescence: CE N’EST QUE DU FOOT, MEME QUAND C’EST DU FOOT AU BRESIL.
Et puis il reste d’autres matchs: certains veulent voir l’Argentine gagner: cela établirait l’égalité le nombre de coupes détenus par des équipes européennes et par des équipes sud-américaines. Mais la majorité refuse de soutenir l’Argentine! Que leur plus grand rival de football gagne chez eux? Non merci! Et ils en ont été épargné.
Voilà ce dont mes yeux ont été témoins pendant la Coupe du Monde. Beaucoup de gens qui aiment le foot, ou du moins qui comme moi, aiment les foules et les bonnes ambiances. Pas la population de fanatiques qui est souvent représentée; juste des gens avec des joies et des peines et beaucoup de bonne humeur.
Stéphie G.