Sargasses – Ce que le Haut Conseil de la Santé Publique pensait du risque sanitaire en mars 2012
Attention, cet avis du Haut Conseil de la Santé Publique date de mars 2012 et ne saurait en aucun cas être considéré comme adéquat aujourd’hui. Néanmoins, la méthodologie et les conclusions restent intéressantes.
Vu la demande d’avis et de recommandations formulée par la Direction générale de la santé en date du 9 septembre 2011 et visant :
– la définition des seuils d’intervention relatifs aux concentrations mesurées en hydrogène sulfuré dans les cas d’expositions aiguës, sub-chroniques et chroniques ;
– les protocoles de mesures associés à ces seuils (tenant compte des moyens métrologiques actuellement disponibles) ;
– les mesures de gestion graduées, en fonction de ces seuils, permettant de réduire, limiter ou prévenir les impacts sur la santé des populations concernées (générale, voire de populations cibles si de telles populations sont identifiées) exposées aux émissions d’algues échouées, adaptées si nécessaire aux différentes situations.
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Le Haut Conseil de la santé publique donne les avis suivants aux questions posées :
• Définition des seuils d’intervention relatifs aux concentrations mesurées en hydrogène sulfuré dans les cas d’expositions aiguës, sub-chroniques et chroniques
Les valeurs de VTR chroniques (0,02 ppm) et VTR aiguës (0,07 ppm) sont mondialement retenues.
Toutefois, les moyens analytiques normaux et immédiats de terrain (tubes actifs et détecteurs portables) ne permettent pas de mesurer H2S au niveau de la VTR.
Les tubes passifs donnent des résultats après généralement une semaine, ce qui laisse le temps aux algues d’évoluer ; ils ne permettent pas de piloter efficacement l’action publique.
Compte tenu de la très faible émission en H2S pour des sargasses récemment échouées et se trouvant encore dans leur état naturel, le HCSP propose le seuil de 0,2 ppm (mesure par tubes Dräger ou équivalent ou détecteurs portables) à 5 mètres des échouages, au-delà duquel sera délivrée une information au public et préparé le chantier d’enlèvement des algues.
• Les protocoles de mesures associés à ces seuils (tenant compte des moyens métrologiques actuellement disponibles)
Il existe deux grandes familles de moyens analytiques :
– Les analyseurs de routine basés sur les tubes directs ou des détecteurs individuels avec alarme. Ces analyseurs sont utilisés par les personnes travaillant régulièrement dans un environnement potentiellement contaminé par H2S (personnel des raffineries de pétrole, égoutiers, exploitants de stations d’épuration…).
– Les analyseurs portables à haute performance nécessitant un suivi plus complexe. Seuls ces derniers peuvent rechercher H2S au niveau de la VTR chronique. Ils reposent sur des capteurs électrochimiques plus performants ou sur de la micro-chromatographie en phase gazeuse (μGC).
Le HCSP recommande pour le terrain :
– L’utilisation de tubes de mesure (plage 0,2-5 ppm) et de tubes 0,5-15 ppm pour toutes les études préliminaires. Les tubes devront provenir de fournisseurs reconnus en Europe. Les protocoles d’utilisation des tubes seront ceux des fabricants.
– L’utilisation de détecteurs portables individuels (0-100 ppm) avec seuils d’alarme à 10 ppm et alarme sonore.
Les détecteurs seront périodiquement calibrés à l’air et à l’H2S. La plupart des réglementations nationales prescrivent aux utilisateurs de tester régulièrement leurs équipements avec des gaz de concentrations connues (NF EN 45544-4).
Les autorités devront aussi s’équiper au minimum d’un analyseur plus performant capable de couvrir une plage de mesure comprise entre 3 ppb et 10 ppm sur chaque île. Les moyens analytiques seront à compléter des moyens de calibration.
• Les mesures de gestion graduées, en fonction de ces seuils, permettant de réduire, limiter ou prévenir les impacts sur la santé des populations concernées (population générale, voire populations cibles si de telles populations sont identifiées) exposées aux émissions d’algues échouées, adaptées si nécessaire aux différentes situations locales (secteurs de mangrove, secteurs de côtes rocheuses urbanisées, etc.).
Rappelant que le niveau réel de production d’H2S est très faible et sa concentration mesurée au niveau du stockage reste de l’ordre de 1 ppm, et considérant qu’aucun pays soumis à ce jour à des échouages de Sargassum, tant en Europe qu’en Amérique du Nord ou dans les Caraïbes, n’a mis en place de politique restrictive vis-à-vis des non-professionnels,
Le Haut Conseil de la santé publique émet un avis favorable sur la proposition de l’ARS Martinique du 27 juillet 2011 pour la gestion du risque sanitaire :
– pour des valeurs entre 0,2 et 1 ppm sur les plages à proximité des échouages d’algues : mise en place du chantier d’enlèvement des algues et information du public ;
– pour des valeurs entre 1et 5 ppm sur les plages : information du public (notamment accès déconseillé aux personnes sensibles et fragiles) ; enlèvement immédiat des algues.
– pour des valeurs supérieures à 5 ppm sur les plages : accès réservé aux professionnels équipés de moyens de mesure individuels avec alarmes ; mesures d’H2S au niveau des habitations riveraines.
Le présent avis est strictement limité aux aspects sanitaires pour l’homme. Il ne prend pas en compte les aspects environnementaux, économiques associés aux algues et aux nuisances olfactives autres que sanitaires.
Le Haut Conseil de la santé publique souligne par ailleurs qu’en milieu urbain et rural, il existe de nombreuses sources d’H2S (déchèteries, compostage individuel, poubelles, stations service, agriculture, stockage de bagasse, centrale thermique fonctionnant avec de la biomasse, unités de méthanisation) et que le bruit de fond peut se situer au niveau des VTR chroniques ou aiguës.