Conseil des Ministres : Le traitement des attaques terroristes du 7 au 9 janvier 2015
Le ministre de l’intérieur, le ministre de la défense et la garde des sceaux, ministre de la justice, ont présenté une communication relative au traitement des attaques terroristes du 7 au 9 janvier 2015.
Ces attaques, qui ont provoqué la mort de 17 innocents, avaient pour objectif d’atteindre les symboles de notre démocratie. En visant des journalistes, des policiers, des Français juifs, connus ou anonymes, dans leur diversité d’origine, d’opinion et de croyance, c’est toute la communauté nationale qu’on a voulu toucher.
Le Gouvernement s’incline devant le chagrin des familles et des proches des victimes. Il salue l’action courageuse et déterminante des forces de l’ordre qui sont intervenues pour mettre hors d’état de nuire les terroristes. Il rend hommage, comme le monde entier, à la ferveur des millions de citoyens qui se sont levés dans l’unité et la dignité pour refuser la barbarie, rejeter la peur et affirmer l’indéfectible force de notre devise nationale.
Face à l’urgence, le Président de la République a décidé de renforcer les forces de sécurité publique par le déploiement de 10 000 militaires sur le théâtre national pour assurer la sécurisation de « points sensibles » sur l’ensemble du territoire.
Cette mission de protection s’inscrit dans le cadre du contrat opérationnel fixé aux forces armées par le Livre blanc de 2013, que garantit la bonne exécution de la loi de programmation militaire.
Cet engagement sans précédent sur le théâtre national a conduit à multiplier par treize l’effectif des armées engagé dans le cadre de Vigipirate avant les attentats. Il constitue un effort conséquent pour nos armées, par ailleurs fortement déployées sur les théâtres d’opération extérieure. Il sera adapté aux évolutions de la situation sécuritaire.
Le Gouvernement doit aussi poursuivre son action et l’amplifier pour protéger les Français et combattre, partout où ils se trouvent, ceux qui cherchent à nous atteindre. Pour être efficace, la réponse doit être globale, à l’extérieur des frontières où nos forces armées sont et continueront à être engagées aux côtés de la coalition internationale et sur le territoire national où les phénomènes de radicalisation conduisent au terrorisme.
Un des principaux piliers de notre action est et doit demeurer le renseignement. Grâce aux moyens techniques et humains dont ils sont dotés, et par les échanges au sein de la communauté du renseignement nationale et internationale, les services mènent en continu des actions pour surveiller les individus suspects, repérer les menaces, faire échec aux projets terroristes.
D’un point de vue militaire et politique, l’un des objectifs de l’emploi des forces armées consiste à enrayer la dynamique prédatrice et guerrière des groupes islamistes. Au Sahel, où l’attaque terroriste contre l’intégrité du Mali a été stoppée à la demande des autorités maliennes par l’opération « Serval », l’opération « Barkhane » poursuit son action dans un cadre régionalisé adapté aux stratégies transfrontalières de la menace. En Irak, nous continuerons également à intervenir pour enrayer la dynamique d’agression de l’organisation Daech, en soutien des forces irakiennes et dans le cadre d’une large coalition internationale. Nous restons vigilants à l’égard de la situation en Syrie et en Libye.
A plus long terme, l’action de la France vise à éviter la jonction des foyers de terrorisme ou des zones de crise. C’est le sens des actions de coopération que nous menons, notamment au profit du Liban ou de nombreux pays africains.
La combinaison d’une croissance très importante du phénomène des filières irako-syriennes et de l’avènement progressif de la société numérique a bouleversé les conditions d’exercice des services de renseignement. Leurs capacités seront en conséquence renforcées, dans le cadre général issu de la réforme de 2014, avec la création de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et du service central du renseignement territorial (SCRT).
Ces moyens supplémentaires, dédiés à la lutte contre la menace terroriste, concerneront notamment Internet et les réseaux sociaux. Par ailleurs, la coopération internationale en matière de renseignement sera accrue.
Les travaux en cours sur le projet de loi sur le renseignement destinés à adapter la législation à ces nouveaux enjeux sont sur le point d’aboutir. Ils permettront l’examen à brève échéance par le Parlement. Ce projet de loi s’attachera à fonder légalement les activités de renseignement, à les encadrer en fixant des règles d’emploi claires, à organiser leur contrôle interne et externe.
La plateforme de signalement mise en place par le ministère de l’intérieur dans le cadre du plan d’action contre la radicalisation est particulièrement sollicitée par les familles. Les dispositifs de suivi et de réinsertion des personnes radicalisées seront renforcés, en sollicitant davantage le Fonds interministériel de prévention de la délinquance.
La détection, le contrôle ou l’entrave du déplacement des combattants étrangers terroristes ou des réseaux doivent également constituer une priorité pour l’Union européenne. Ses travaux pour accroître la consultation du système d’information Schengen (SIS) au moment du franchissement d’une frontière extérieure Schengen, doivent être achevés sans délai. Alors que la plateforme de contrôle française permettant la surveillance des déplacements aériens des personnes suspectes d’activités criminelles (système du Passenger Name Record) sera opérationnelle dès septembre 2015, il devient urgent d’étendre ce dispositif au niveau européen. La France proposera une approche constructive au Parlement européen, conciliant efficacité de l’instrument et niveau élevé de protection des données individuelles des voyageurs.
La lutte contre la circulation illégale des armes à feu doit par ailleurs être intensifiée, par le renforcement de l’échange d’informations et l’augmentation du nombre des opérations conjointes des polices en Europe.
Enfin, le partenariat avec les grands opérateurs de l’Internet est indispensable pour créer les conditions d’un signalement rapide des contenus incitant à la haine et à la terreur, ainsi que de leur retrait. L’Union européenne constitue un cadre pertinent pour ce partenariat et un dialogue structuré doit rapidement y être entrepris.
Depuis plusieurs années, le milieu carcéral est aussi le lieu dans lequel des délinquants de droit commun basculent dans une radicalisation affirmée et revendiquée, qui peut conduire à une entreprise terroriste. La surpopulation carcérale, contre laquelle le Gouvernement lutte depuis le début du quinquennat, complexifie sa tâche car la promiscuité est un terreau sur lequel prospère le prosélytisme fondamentaliste.
Le Gouvernement a donc décidé, tirant les enseignements de l’expérimentation conduite au sein de l’établissement pénitentiaire de Fresnes, de créer plusieurs quartiers dans lesquels seront isolés les détenus considérés comme radicalisés.
Mais cet isolement, pour être efficace, doit aller de pair avec une stratégie de renseignement structurée et partagée avec le ministère de l’intérieur, une révision des conditions de recrutement et de formation des imams, et une professionnalisation accrue des personnels intervenant auprès de ces détenus.
La même stratégie de structuration du renseignement et de professionnalisation pour certaines prises en charge signalées pourra être organisée au sein de la protection judiciaire de la jeunesse, compte tenu de l’accroissement inquiétant du nombre de mineurs inscrits dans une démarche de radicalisation, ou participant même à une entreprise terroriste.
Enfin, le droit pénal et la procédure pénale devront évoluer pour réprimer avec toute la fermeté nécessaire les comportements ou discours racistes et antisémites, notamment sur l’Internet. Un fichier des personnes condamnées pour terrorisme sera créé pour que soit signalé tout changement d’adresse et tout départ à l’étranger de ces personnes.