FIPCOM – La position du MEDEF vis à vis de la réforme de la justice prud’homale
Madame la Présidente, Monsieur le Président,
Entre autres dispositions, le projet de loi pour la croissance et l’activité comporte une profonde réforme de la justice prud’homale dont l’objectif affiché est de raccourcir les délais de jugement des litiges.
Lors de la consultation du Conseil supérieur de la prud’homie, le MEDEF a exprimé de nombreuses réserves sur certains aspects de ce projet et demandé qu’il fasse l’objet d’une concertation préalable compte tenu de l’importance des enjeux pour les employeurs comme pour les salariés et afin de préserver le respect des droits fondamentaux de chacune des parties dans les contentieux prud’homaux. Il était, en effet, apparu que ce volet du projet devait être revu et intégré dans une réflexion plus globale sur la révision et la simplification du droit du travail.
Il n’a pas été donné suite à cette demande. Le MEDEF le regrette mais tient à vous préciser qu’il restera très vigilant lors du débat qui va s’ouvrir et proposera des modifications aux dispositions qui remettent en cause le fondement même de la prud’homie et conduisent à introduire l’échevinage et à provoquer la multiplication des affaires soumises à l’examen des juges départiteurs, ce qui ne peut en réalité que conduire à allonger encore les délais de jugement.
Le MEDEF s’oppose aussi à ce que des affaires puissent être renvoyées à des bureaux de jugement restreints à deux conseillers avec un délai réduit à trois mois, ce qui inaugure une procédure à géométrie variable qui aboutira, elle aussi, le plus souvent devant le juge départiteur.
Le MEDEF entend donc engager toutes les actions qui permettront de limiter autant que possible les impacts négatifs sur les entreprises qui pourraient résulter de la réforme et qui pourraient être encore accentués par les décrets d’application en préparation.
Je tiens également à réaffirmer ma confiance et celle du MEDEF dans les conseillers prud’hommes patronaux qui assument bénévolement une mission de service public au service de leurs concitoyens et qui, conscients des enjeux pour les entreprises, se battent pour une application stricte des lois.
S’il y a indiscutablement des améliorations à apporter dans le fonctionnement de la justice prud’homale, le MEDEF considère qu’il y a également lieu de s’interroger sur le rôle des juges départiteurs, des cours d’appels et de la chambre sociale de la cour de cassation, sans oublier les autres acteurs que sont les avocats.
Il convient aussi de s’interroger sur la part de responsabilité des pouvoirs publics dans la situation de la juridiction prud’homale. En effet, en accumulant des réglementations sans souci de cohérence, le législateur accroît l’insécurité juridique et le risque contentieux, tout en nourrissant les appels abusifs dans l’espoir de gains supérieurs. Par ailleurs, en laissant la jurisprudence de la chambre sociale de la cour de cassation se substituer à lui, il n’assume pas sa mission de véritable régulateur.
L’amélioration de la justice prud’homale ne peut se faire qu’à la lumière de l’expérience des conseillers prud’hommes et sans s’arrêter aux raccourcis qui conduisent à leur imputer la longueur des délais de jugement, la fréquence du recours au départage ou le taux de réformation de leurs décisions, lequel n’est souvent dû qu’à une majoration par les cours d’appel des condamnations prononcées.
Le MEDEF appelle toutefois les conseillers prud’hommes à récuser toute forme d’action qui porterait entrave au fonctionnement de la justice et à refuser le vote de motions pouvant aller jusqu’à la suspension des audiences, en particulier lors des assemblées générales ou des audiences solennelles de début d’année. C’est, au contraire, en remplissant leurs fonctions de juge prud’homal avec détermination et diligence jusqu’à fin 2017 que les conseillers répondront aux critiques souvent injustes qui leur sont adressées.
Le MEDEF exercera toute sa détermination et sa vigilance dans le débat qui s’ouvre, pour que la réforme à venir conduise à des solutions respectueuses des droits fondamentaux de chacune des parties dans les contentieux prud’homaux.
Nous vous invitons à adresser ces éléments aux Présidents et vice-Présidents du collège employeurs des Conseils de prud’hommes, dont je veux saluer ici l’engagement.
Avec tous mes remerciements pour votre soutien, je vous prie de croire, Chère Présidente, Cher Président, à l’expression de ma considération distinguée.
Pierre GATTAZ