Réplique budget Par Daniel Gibbs
Ce projet de budget, monsieur le président, devrait s’intituler: le chant du cygne.
En effet, s’il est adopté, ce budget laissera Saint-Martin, non pas au bord du gouffre, mais au fond du trou!
Ayons le courage de nous regarder dans le miroir. Vous avez hérité, ma foi, d’une collectivité en relatif bon état et vous allez nous laisser un Saint-Martin désespéré.
Quatre choses essentielles dominent votre analyse :
– La crise économique est encore responsable de tous nos maux. Combien de temps cela peut-il encore servir d’excuse?
– Le second coupable de vos déficits, c’est l’état. Celui-là même qui nourrit vos emprunts réguliers
– Troisième facteur de votre tristesse : le peu de recouvrement; c’est un air de déjà vu.
– Et enfin, ce que votre budget ne peut avouer, c’est l’absurdité de ce qui vous tient lieu d’assiette fiscale.
Lorsque 71 % d’un budget est dédié au fonctionnement et seulement 29 % à l’investissement un simple étudiant en finances vous donnerait le résultat des courses : déficit, et encore déficit! Lorsque nous savons qu’au moins 40 % des recettes prévues n’arriveront jamais dans les caisses, comment voulez-vous que nous prenions votre budget au sérieux!
Il est écrit, dans votre document : « avec le temps, la situation tendue des finances de la collectivité est passée d’un simple problème conjoncturel de trésorerie à un problème structurel budgétaire lié aux mauvaises compensations du transfert des charges communales, auquel s’ajoutent les mauvaises performances des services de l’état et une situation économique et sociale dégradée.»
Donc, monsieur le président, tout est de la faute des autres ? Mais si cela était, à quoi a donc servi de gouverner depuis toutes ces années?
Vous parlez comme si nous étions encore une simple commune du département de la Guadeloupe. Mais depuis 2007 nous sommes autonomes dans l’article 74, nous avons donc les leviers, la fiscalité par exemple. Et dire que l’état ne fait pas son travail de recouvrement de l’impôt ne suffit pas. Votre problème est double : pas assez de recettes, trop de dépenses.
A ce propos, la presse cette semaine a mentionné une mission de l’inspection générale des finances menée fin 2009, en précisant que son rapport n’a pas été divulgué. Cela ne m’étonne pas car son rapport est édifiant! J’ai une copie du document… je n’évoquerai qu’un seul point intitulé «le caractère seulement apparent de l’équilibre du budget 2009 et le déséquilibre entre recettes réelles et dépenses réelles dans l’exécution». Laissez-moi vous en lire un seul paragraphe qui à mon avis résume la problématique de votre budget depuis le passage en collectivité : « le déséquilibre entre recettes réelles 2009 exécutées et les dépenses réelles exécutées (…) explique le solde du besoin de trésorerie de 24,5 m d’euros au 31.12.2009. Il convient de souligner qu’au-delà du déséquilibre d’exécution, le budget était dès l’origine vicié du fait du caractère largement artificiel des reports excédentaires de l’exercice 2008, qui ont, seuls, permis son équilibre apparent.»
Quand on n’a pas les moyens de sa politique on réduit nécessairement la voilure.
C’est lorsque la mer est déchaînée que l’on reconnait un bon capitaine, pas quand elle est calme et sereine! Devons nous conclure que depuis 2007 nous n’avons pas eu de capitaine?
Nous, monsieur le président, nous croyons que le capitaine n’est pas à la hauteur et que son lieutenant ne l’est pas non plus.
Car, comment réagirait un bon capitaine?
Tout d’abord il réduirait son propre poids sur le bateau et, pour notre budget, cela veut dire que les dépenses non essentielles de la collectivité sont encore trop élevées.
Il n’y a pas de petites économies.
Ensuite il exigerait de la part de son équipage qu’il donne le maximum d’énergie. Dans notre cas il s’agirait, notamment, d’avoir des comptes strictes des organismes relevant de la collectivité, de mettre en demeure notre armateur, l’état, de régler, par voie officielle et contraignante, l’investissement promis et non de se laisser mener en bateau. .
Qui plus est, un bon capitaine ne va pas chercher des soutiens externes comme nous faisons ici par une multitude de contrats à des consultants ou des sous-contractants, plus de 2 millions d’euros.
En outre, un bon capitaine sait jauger la force de la tempête : il ne l’exagère jamais car il a charge de vies après tout. Vous criez au loup depuis trop longtemps.
Cette tempête c’est la situation économique internationale. Nous sommes tous dedans n’est-ce-pas? Alors comment se fait-il que certains, juste à côté de nous dans la caraïbe, arrivent à faire mieux, et beaucoup mieux que nous?
Je vais vous le dire :
– Ils ont établi une taxation efficace, simple et également répartie
– Ils ont apuré le superficiel
– Ils ont soutenu et attiré l’investissement privé et extérieur
– Enfin ils ont investi dans les infrastructures touristiques.
Qu’avez-vous fait pendant ce temps?
– Vous avez compliqué la taxation à souhait, visant toujours les mêmes payeurs, refusant une analyse globale,
– Vous maintenez le superficiel, regardez l’augmentation de vos dépenses, et votre saupoudrage de privilèges ici et là
– Vous vous élevez contre l’investissement privé extérieur,
– Vous réduisez le soutien au développement économique à 5 % des investissements!
– Vous financez la publicité pour attirer plus de touristes, sans être capable, ni de les loger, ni de les accueillir correctement.
A moins d’un revirement fondamental de votre part dans la discussion d’aujourd’hui, nous sommes désolés monsieur le président, mais votre budget ne pourra avoir notre soutien. Vous nous direz, une fois de plus, « mais vous allez empêcher la collectivité de fonctionner». On connaît la chanson.
Nous vous répondrons : c’est vous qui gouvernez, c’est à vous d’assumer vos choix!
En parlant d’assumer, quelqu’un de bien connu écrivait la semaine dernière dans sa page publicitaire régulière que l’up devait miser sur la continuité pour se faire réélire!!
Je ne suis pas certain, monsieur le président, que vous voudriez hériter de votre propre héritage politique!
Daniel GIBBS