Le scandale News of the World fait tomber les têtes
La tempête déclenchée par le scandale des écoutes téléphoniques imputées à News of the World semble lundi se rapprocher dangereusement de David Cameron après avoir fait tomber dimanche une nouvelle tête, celle du plus haut policier de Grande-Bretagne.
D’après la presse britannique, le Premier ministre va écourter un déplacement en Afrique et rentrer mardi à Londres. Son porte-parole a confirmé que la visite durerait deux jours sur les quatre prévus initialement mais n’a pas fait explicitement le lien entre cette décision et le scandale News of the World qui fait rage en Grande-Bretagne.
Interrogé sur les raisons qui ont poussé David Cameron à ne pas annuler la visite dans son ensemble, le porte-parole a mis en avant les responsabilités du Premier ministre, notamment en matière d’économie et de promotion des entreprises britanniques.
D’après le Guardian, David Cameron revient pour mettre en place l’enquête indépendante confiée à Brian Leveson tandis que le Financial Times rapporte qu’il s’agit d’éteindre les critiques sur son absence dans un pays ébranlé par le scandale.
Rebekah Brooks a pour sa part été détenue pendant près de 12 heures dimanche par la police, qui la soupçonne d’écoutes illégales et de corruption. Cette ancienne rédactrice en chef de News of the World puis patronne de News International, la branche britannique de News Corp, le groupe de Rupert Murdoch, a finalement été libérée sous caution aux alentours de minuit.
Paul Stephenson a démissionné dimanche de ses fonctions de chef de la police de Londres en raison des soupçons selon lesquels des policiers se seraient laissés corrompre par News of the World et n’auraient pas suffisamment enquêté sur les accusations d’écoutes illégales portées dès 2005 contre le tabloïd.
L’élément déclencheur de sa démission a été la révélation qu’il avait séjourné dans un établissement thermal de luxe dont l’un des conseillers en communication était Neil Wallis, ancien rédacteur en chef adjoint de News of the World. Neil Wallis était par ailleurs employé comme consultant par la police. Il a été arrêté la semaine dernière dans le cadre de l’enquête sur les écoutes téléphoniques.
“Je n’avais aucune connaissance de l’ampleur de cette pratique scandaleuse“, a déclaré Paul Stephenson au sujet des écoutes téléphoniques.
Dans sa déclaration retransmise à la télévision, il a dit ne pas avoir informé David Cameron des relations de la police avec Neil Wallis afin de ne pas compromettre le Premier ministre en raison de sa relation avec Andy Coulson, ancien rédacteur en chef de News of the World.
David Cameron a embauché Andy Coulson en 2007 pour devenir son porte-parole alors que ce dernier venait d’être contraint à la démission de News of the World en raison de l’emprisonnement d’un journaliste du tabloïd impliqué dans des écoutes téléphoniques. Andy Coulson a depuis quitté ses fonctions auprès du chef du gouvernement. Il a été arrêté le 8 juillet puis libéré sous caution.
“Je ne souhaitais en aucune manière compromettre le Premier ministre en révélant ou en discutant d’un suspect potentiel qui était à l’évidence en relation étroite avec M. Coulson“, a dit Paul Stephenson.
L’opposition travailliste a sauté sur l’occasion pour critiquer le Premier ministre.
“Il est frappant que Sir Paul Stephenson assume ses responsabilités et réponde aux questions (…) (tandis que) le Premier ministre persiste à refuser de reconnaître son erreur de jugement et de répondre aux questions“, a dit Yvette Cooper, porte-parole du Labour sur les affaires intérieures.
“Il est particulièrement préoccupant que (Paul Stephenson) juge ne pas pouvoir informer le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur du problème relatif à Neil Wallis en raison de la relation du Premier ministre avec Andy Coulson“, a-t-elle ajouté.
Déjà accusé d’une trop grande proximité avec Rupert Murdoch, le Premier ministre est d’autant plus fragilisé qu’il est un ami de Rebekah Brooks.
Cette protégée de Rupert Murdoch, âgée de 43 ans, a démissionné vendredi de la direction de News International. Elle était rédactrice en chef de News of the World, l’un des journaux de News Corp en Grande-Bretagne, à l’époque où ce tabloïd se serait livré à des écoutes illégales de milliers de personnes et aurait corrompu des policiers.
Rebekah Brooks affirme qu’elle n’était pas au courant de ces pratiques.
Les révélations sur les méthodes de News of The World et d’autres journaux de News International ont suscité une indignation générale en Grande-Bretagne. Elles ont aussi soulevé des interrogations quant à l’influence qu’exercerait Rupert Murdoch sur la classe politique.
“C’est quasiment devenu une crise de gouvernance au Royaume-Uni“, juge Tim Bale, professeur de sciences politiques à l’université du Sussex. “La démission (de Paul Stephenson) nous projette au-delà du simple cas de quelques brebis galeuses (…) On a l’impression que les choses échappent à tout contrôle.
“La déclaration (de Paul Stephenson) établissant un parallèle entre lui-même et le Premier ministre est assez stupéfiante. Cela ne conduira pas M. Cameron à faire la même chose mais cela ramène le problème Coulson à l’esprit de chacun“, ajoute Tim Bale.
Le scandale a déjà contraint Rupert Murdoch à renoncer au moins provisoirement à son projet d’acquisition du bouquet de chaînes satellite BSkyB. L’homme d’affaires a aussi fait brutalement disparaître le 10 juillet News of The World, après 168 ans d’existence. Il a présenté des excuses dans la presse du week-end en Grande-Bretagne.
Tout cela n’a pas suffi à éteindre la colère, notamment au parlement, où les membres de la commission des médias comptent le soumettre à un feu roulant de questions mardi, de même que son fils et successeur présumé, James, et Rebekah Brooks.
Le porte-parole de cette dernière a toutefois souligné que son interrogatoire dimanche pourrait la conduire à ne pas répondre aux questions des députés en raison des conséquences éventuelles sur l’enquête en cours.
L’action News Corp a clôturé en baisse de 4,13% lundi en Australie.
Les Hinton, qui accompagnait Rupert Murdoch depuis plus d’un demi-siècle, a démissionné vendredi de la direction de Dow Jones, filiale de News Corp aux Etats-Unis qui publie notamment le Wall Street Journal. Il a dirigé News International avant Rebekah Brooks.
SOURCE: Reuters