Quel avenir pour Saint Martin? par Yves KINARD

Yves KINARD
Par Yves KINARD 29 Juin 2012 20:42

Notre petite île est bien loin de la Métropole ou de l’Europe où se jouent des réunions mélodramatiques sur fond de crise. Très loin, dans ma petite patrie, se négocient au siège de l’Europe des tractations dont au final nous sommes les bénéficiaires ou les grands perdants. Qu’attendre de là haut? Beaucoup de choses assurément, mais avons-nous aussi qu’à attendre? Ne pouvons-nous faire quelque chose par nous-mêmes?

img3713naIl y a bien des années, par un jour sans vent, je progressais lentement vers Saint Martin avec mon voilier. C’était en février 1995 et je ne savais pas que plus de 17 ans après j’y serais toujours. A cette époque, celle de “l’avant Luis”, je découvrais une île un peu endormie, bénéficiant d’un tourisme abondant, d’une urbanisation galopante sur fond de défiscalisation et de belles perspectives de développement. Quelques années plus tard, je prenais pour la première fois des vacances et ma première escale fut la Bretagne où nous avions gardé, mon épouse et moi, des attaches. Ce fut pour moi un choc considérable. Au fil des ans, je n’avais pas pris garde au fossé qui séparait Saint Martin de la Métropole. Je fus frappé lors de cette visite, aussi bien en Bretagne qu’en Belgique, par l’écart de développement avec Saint Martin. Rapidement, s’est imposée à moi une idée flagrante: que faire encore dans cette Europe hyper développée où tout est propre, carré, avec de belles routes bien entretenues, des maisons immaculées, des centres commerciaux abondants et rutilants…. Et par comparaison, l’évidence apparaissait: tout restait à faire à Saint Martin. Pour un jeune entrepreneur, me disais-je, Saint Martin devrait être l’Eldorado avec tellement de choses à faire.

L’île a régressé.

Des années après, la mémoire de ce choc est toujours présente, mais nuancée par les évolutions. D’abord celles issues de Luis qui donna, au propre comme au figuré, un grand coup de balai. Mais aussi que l’opportunité ayant été donnée de repartir sur des bases plus concrètes, l’île a bien évolué. Pourtant, le constat est évident, il reste énormément de choses à faire pour amener un niveau de développement comparable avec la France. Jusqu’à maintenant le prétexte un peu facile a été notre dépendance de la Guadeloupe, mais depuis 2007 nous avons pris notre destin en main, sans doute un peu trop vite, et qu’en avons-nous fait? Sur beaucoup d’aspects, l’île a objectivement régressé. Le principal responsable étant le manque de moyens induit par les cafouillages fiscaux et les négociations concernant les dotations relatives aux transferts de compétences. Il est un peu tard pour jeter la pierre à l’un ou l’autre, le fait est que nous nous sommes très mal débrouillés. Il était évident que la volonté de l’Etat était de se désengager de manière à réduire ses charges et que dans ce contexte, toute émancipation de la tutelle conduisait à la responsabilisation, ce qui veut dire concrètement, la réduction de la manne étatique. Il faut donc apprendre à vivre seuls et dans ce domaine, cela revient à dire qu’il faut élargir l’assiette fiscale. Sous ces trois simples mots transparaît l’inefficacité de l’Etat qui est encore et toujours le collecteur, mais aussi la volonté de certains d’échapper à l’impôt sous le fallacieux prétexte inavoué publiquement de la naissance.

L’avenir de Saint Martin

Quel avenir pour Saint Martin alors? Je dirais: doré….. En effet, à l’heure où notre Président court à Paris après un Lurel qui s’échappe (bien malgré lui) pour négocier une aide, puis à Bruxelles où il fera une intervention au forum des RUP (avec quel objectif, on ne sait, mais c’est toujours utile), il faut se demander que faire? La réponse est claire. Il n’y a plus de sous dans les caisses et les fonctionnaires risquent de ne pas être payés. C’est embêtant certes, mais les mauvaises langues diront que la plupart n’ont pas que la fonction publique comme source de revenus, même si ce n’est pas normal, et qu’ils ont, comme tout un chacun, le droit au salaire. Mais d’autre part, avons-nous à attendre de la Collectivité qu’elle fasse tout? L’argumentaire souvent entendu était que les investisseurs ne savaient quelles étaient les perspectives fiscales à Saint Martin, ce qui les rendait frileux pour se lancer dans de grands projets. Et alors? N’avons-nous pas ici de grosses fortunes locales qui peuvent très bien négocier un pacte fiscal avec la Collectivité en échange d’un investissement? A entendre notre Président qui a été déclarer à New York lors d’une conférence sur le tourisme “Saint Martin is open for investors” (sic), la Collectivité est prête à mettre en place un cadre fiscal pour les investisseurs, sans d’ailleurs qu’il soit précisé qu’elle ferait un distinguo sur leur origine. Pourquoi donc toujours attendre de la Collectivité ou de l’Etat qu’il prenne en charge les conditions de l’investissement? Aujourd’hui, elles existent clairement: une société investissant à Saint Martin paiera au final moins d’impôts que si elle était installée en France. Alors pourquoi n’attirons-nous pas? Uniquement parce que d’une part nous ne savons pas nous vendre, et d’autre part parce que le marché est fait encore de gens qui, profitant de cette aubaine fiscale et de la faiblesse des pouvoirs publics, Etat en tête, viennent ici quelques années en doublant leurs marges pour ensuite s’évaporer.

Mais il reste beaucoup à faire à Saint Martin, dans tous les domaines, et avec peu de contingences relatives à l’encadrement législatif. C’est l’heure du retour pour les vacances, mais aussi l’heure d’ouvrir les yeux et d’essayer d’importer enfin ici ce qui nous manque tellement pour combler l’écart avec la Métropole. Contradictoirement avec tout ce que je viens de dire, l’Etat et la Collectivité doivent encore nous servir pour négocier une prise en compte de notre éloignement qui, dans bien des domaines, grève notre développement par le coût du fret. Mais après tout, ne paie-t-on pas des impôts pour que précisément les pouvoirs publics, qui nous représentent, défendent nos intérêts? C’est là juste ce que nous leur demandons en plus de faire correctement leur travail en toute équité.

Yves Kinard

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