Un « lobby gay » au Vatican a-t-il vraiment poussé Benoit XVI à démissionner ?

Autre
Par Autre 22 Fév 2013 23:28

Un « lobby gay » au Vatican a-t-il vraiment poussé Benoit XVI à démissionner  ?

Un article du quotidien italien La Repubblica, ce jeudi, avance la thèse d’un “lobby homosexuel” pour expliquer la démission du pape Benoit XVI.
Le Saint Père avait mandaté trois cardinaux pour réaliser une enquête sur les fuites de documents secrets du Vatican dans la presse (ce qu’on appellera plus tard Vatileaks). Le 17 décembre 2012, les cardinaux ont remis un rapport de cette enquête au pape, constitué de deux volumes de 300 pages. Un résumé de longues semaines d’interviews de personnalités du Vatican et de laïcs.
C’est le contenu de ce rapport qui aurait, selon la Repubblica, poussé le pontife à la démission. À savoir, notamment, la présence d’un “un réseau transversal uni par l’orientation sexuelle” au Vatican, croit savoir Concita De Gregorio, auteur de l’article. Ce que l’AFP, reprise par plusieurs médias français, traduira par “lobby gay”.

“Pour la première fois, le mot homosexualité est prononcé, lu à voix haute, dans un texte écrit, dans l’appartement de Ratzinger”, écrit la journaliste. Sur quoi se fonde-t-elle ?

Une source anonyme, proche des trois cardinaux, qui indique que le rapport tourne autour du “non respect des sixième et septième commandements divins”. Ce que la journaliste traduit par “ne pas commettre d’actes impurs. Ne pas voler”. Or, selon le site de la conférence des évêques de France, le sixième commandement est “tu ne commettras pas d’adultère”, ce qui est légèrement différent…

Mais la source anonyme parle aussi d’une “influence extérieure” de laïcs sur certains hauts prélats, lors d’événements de “nature mondaine”. Il n’est pas donc clairement question d’homosexualité.

Qu’importe. Ces “événements de nature mondaine”, pour la journaliste, évoquent plusieurs scandales homosexuels au Saint-Siège. En 2007, Monseigneur Tommaso Stenico avait été pris au piège par des journalistes TV de la 7 en racontant avoir eu des relations sexuelles avec des hommes. Concita De Gregorio fait aussi allusion au scandale de prostitution gay dans lequel était impliqué le Vatican en 2010. Un choriste de la basilique Saint-Pierre avait été soupçonné d’avoir fourni des partenaires sexuels masculins à Angelo Balducci, laïc membre de la confrérie pontificale des “Gentilhommes de sa Sainteté”.

Pour faire le lien entre la lecture de ce rapport et sa décision de démissionner, la journaliste de La Repubblica cite certains discours du pape. “Les divisions dans le corps ecclésiastique défigurent le visage de l’Église”, avait prévenu le Saint-père, le 13 février dernier, lors de la messe des Cendres. ” Il faut démasquer les tentations du pouvoir qui instrumentalisent Dieu pour servir leurs propres intérêts” sermonnait le pontife lors de l’Angelus de dimanche dernier. Faut-il pour autant en conclure que Benoit XVI faisait allusion à un présumé “lobby gay” sur le Vatican ?

Spécialiste des questions religieuses au Figaro, Jean-Marie Guénois avance trois arguments prouvant que la démission du pape n’a rien à voir avec ce fameux rapport.

1. Oui, il y a des personnes de sensibilité homosexuelle au Vatican et Joseph Ratzinger le savait depuis un moment

Pour Jean-Marie Guénois, l'”existence de personnes de sensibilité homosexuelle dans l’Église, et par conséquent, au Vatican, n’est un secret”. En outre, l’Église ne condamne pas l’homosexualité, elle demande seulement aux prêtres d’êtres célibataire et chastes : “l’Église demande aux prêtres le célibat sacerdotal et la chasteté, mais respecte la personnalité de ceux qui désirent vouer leur vie au Christ, au service de l’Église”, insiste le journaliste.

Joseph Ratzinger, avant de devenir le pape Benoit XVI, était préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi pendant 25 ans. Les rumeurs sur un possible “lobby gay” défrayent la chronique en Italie “depuis une trentaine d’année”. Par conséquent, Benoit XVI “serait donc vraiment le dernier à en être surpris aujourd’hui”.

2. Personne n’a lu ce rapport, et encore moins la journaliste de la Repubblica

À aucun moment de son article, Concita De Gregorio ne cite le rapport d’enquête des trois cardinaux. En réalité, elle reprend une information publiée dans la revue Panorama, qui a pu seulement interroger “un des multiples employés du Vatican questionnés par les cardinaux”, selon le journaliste du Figaro Jean-Marie Guénois.

Pourtant, la journaliste de La Repubblica présente cette source anonyme comme “un homme très proche” de l’auteur du rapport. Et ne précise pas qu’il s’agit d’une source interrogée par Panorama. Par la suite, elle ne vérifie pas l’affirmation de cet homme. Elle ne fait que déduire.

3. Le pape a pris sa décision de démissionner bien avant la lecture du rapport

Enfin, selon Jean-Marie Guénois, le pape aurait pris sa décision de démission dès avril 2012, au retour de son voyage au Mexique et à Cuba (du 23 au 29 mars 2012), qui l’avait “épuisé”. Soit bien avant la lecture du rapport, le 17 décembre 2012.

Benoit XVI aurait tenue secrète sa décision afin d’honorer ses derniers engagements : voyage au Liban en septembre, fin de l’affaire Vatileaks (procès et grâce accordée à son majordome le 22 décembre 2012), lancement de l’année de la foi, publication du dernier tome de son livre sur Jésus le 21 novembre, cérémonies de Noël et audiences protocolaires de début d’année en janvier 2013.

Sources :

La Repubblica, jeudi 21 février 2013

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