Transparence de la vie publique – Acte 1 : décryptage
Les projets de loi sur la moralisation de la vie publique ont été définitivement adoptés par les députés ce mardi 17 septembre 2013 par 324 contre 205 (alors que 289 voix étaient nécessaires pour obtenir la majorité absolue requise).
Si ce texte a fait couler beaucoup d’encre sur le plan national pour être une conséquence directe de l’affaire Cahuzac et pour ce qu’il représente de mise au piloris de certains privilèges de nos chers élus, il aura incontestablement des effets localement, peut être encore plus importants qu’en métropole eu égard à l’exiguïté du territoire et de sa capacité à avoir su traverser les temps en marge d’un droit par trop français.
Le parcours de cette loi entamé au mois d’avril a été suffisamment chaotique pour avoir largement alimenté la presse et que l’on ne revienne pas plus sur son contenu global que vous pouvez retrouver ci-dessous :
170913-PLOTransparence.pdf (69,4 KiB, 722 hits)
Nous allons plutôt privilégier ici les mesures qui concerneront directement nos collectivités d’outre-mer dont le paysage politique devrait s’en trouver modifié comme nous vous l’expliquons dans l’acte 2.
Tout d’abord, l’article phare de la loi introduit une obligation pour les parlementaires et les présidents d’exécutifs locaux notamment de déclarer exhaustivement leur patrimoine et leurs intérêts mais pas seulement. L’obligation s’étend aux activités professionnelles et de consulting des élus et de leurs conjoints, parents et enfants … jusqu’à cinq ans avant la prise de fonctions. Ces déclarations de patrimoines seront consultables en Préfecture par tout électeur de la circonscription et celles d’intérêts seront disponibles sur Internet.
Même si l’on ne peut théoriquement que se féliciter de la cause en ce qu’elle évitera sans doute quelques dérives, présidence d’EPAD ou marché de complaisance, voilà de quoi décourager les ambitions politiques les plus nobles sur notre petit caillou où l’absence d’anonymat et les interactions ne sont plus a démontrer… D’autre part, l’on ne peut s’empêcher de s’interroger sur les limites familiales d’un engagement politique : jusqu’à quel point la famille de l’élu doit-elle assumer le sacerdoce de son parent ou s’interdire de prendre la relève ?
Quoiqu’il en soit, ces déclarations devront intervenir en début et en fin de mandat auprès de la Haute Autorité de la transparence de la vie publique créée par la même loi, l’objet principal étant de s’assurer que le mandat électif n’a pas été utilisé à des fins d’enrichissement personnel.
Les contrôles seront effectués en collaboration avec les services fiscaux et avec la participation des citoyens qui deviendront pour l’occasion des “lanceurs d’alerte” protégés ; de ce côté, il y a un petit goût de Vichy dans la mouture de la Loi. En effet, tout citoyen qui jugera qu’une déclaration officielle n’est pas le reflet de la réalité pourra en avertir la Haute Autorité, en sachant que les déclarations mensongères seront punies de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (soit 15 000 de plus qu’actuellement). Rien n’est prévu par contre en terme de gratification pour la “casse à l’élu”.
En sus de ces obligations de transparence, la loi introduit des restrictions encore plus sévères pour les parlementaires telles que l’interdiction de débuter une nouvelle activité professionnelle en cours de mandat, des incompatibilités relatives en particulier aux activités de conseil (sauf pour les professions réglementées) ou aux fonctions d’arbitre, de médiateur ou de conciliateur.
Enfin, dans le cadre de ce qui pourrait concerner les COM, les micropartis voient leurs possibilités de recevoir de dons limitées à 7 500 euros par personne et par an, et non plus par parti. Cette mesure a bien évidemment pour objet de lutter contre les “contournements” de la loi actuelle qui permet à un individus de verser plusieurs fois 7 500 euros à son parti traditionnel via ses arborescence. Localement, même si cela laisse une marge confortable à ceux qui, animés d’une réelle et belle conviction, souhaitent contribuer au financement de leur parti, cela va officiellement annihiler le jeu du “N’importe qui sauf…” auquel certains se sont livrés localement lors des dernières élections territoriales en distribuant dans des proportions qui dépassent le cadre des idées politiques.
Concrètement, et même si l’UMP déposera rapidement un recours devant le Conseil Constitutionnel, la loi sur la transparence devrait au plus tard le 1er février 2014 imposer aux Sénateurs Fleming et Magras, au Député Gibbes, aux Présidents Hanson et Magras de s’astreindre à ces mesures, puisque l’outre-mer n’a cette fois pas été omise, et de satisfaire ainsi à la curiosité des oiseaux de bons et mauvais augures qui ne manqueront de gravir les marches du Fort Louis à cette fin, SXMinfo en tête.
Rappelons que les deux parlementaires de Saint-Martin étaient logiquement opposés à cette loi comme nous vous l’indiquions ici, et que le Président du Conseil Territorial de Saint Barth a récemment mis son avenir politique en attente du vote de ce texte tel qu’il l’indiquait dans l’interview que nous proposions ici.