Sénatoriales 2014 – Est-il possible de formuler un pronostic cohérent à Saint-Martin et à 3 jours des élections ?
Le moins que l’on puisse en dire, c’est que de prime abord, il serait complètement fantaisiste de s’y risquer. C’est d’ailleurs en substance ce qui nous avait été dit en janvier lorsque nous avions osé échafauder quelques théories que l’on se doit aujourd’hui, en tous cas pour l’une d’entre elles, de prendre en considération.
En l’état, les éléments de bases à toute analyse sont binaires même si complexifiés par le nombre de candidats : 7 candidats, 7 suppléants, 24 voix des grands électeurs dont 8 sont déjà mobilisées si l’on part du principe que chaque candidat-électeur votera pour lui-même au premier tour.
8 voix sur 24 attribuables de fait
Guillaume Arnell pour le RRR peut donc compter a minima sur sa propre voix ainsi que sur celle de sa suppléante, la Présidente Aline Hanson. Notons d’ailleurs que vu de loin il est deux façon d’interpréter cette suppléance : la droiture d’une femme d’engagement qui par ce geste affirme son sens de la parole donnée ou a contrario la difficulté potentielle qu’aurait eu Guillaume Arnell à trouver au sein de son propre groupe une suppléante volontaire.
Dominique Aubert pour l’UD, peut elle aussi capitaliser deux voix, la sienne et celle de son suppléant, Dominique Riboud. L’avantage majeur de la candidature de madame Aubert, c’est que le groupe UD, qui pèse 6 voix, semble a priori le plus à même de respecter une consigne, d’afficher une certaine harmonie. De plus, Dominique Aubert a su par l’entremise de l’UMP se projeter dans l’hémicycle en obtenant l’investiture de ce puissant parti dont on dit qu’il sera majoritaire au sénat après ces élections. Tandem potentiellement intéressant pour Saint-Martin que de disposer d’un Député et d’une Sénatrice du même bord… pour autant la politique locale répond-elle réellement aux projections nationales ? En effet… Dominique Aubert et Dominique Riboud ne risquent-ils pas à la faveur de l’isoloir de pâtir d’une saint-martinitude par trop relative ? Car il faudrait être borgne pour ne pas avoir pris la mesure de certains messages diffusés sur la toile et les réseaux sociaux, assumés par des personnages publics et écoutés à Saint-Martin (plus qu’au sénat) : qui mieux qu’une personne native de Saint-Martin pour représenter à la Collectivité au Sénat?
René-Jean Duret est dans un cas sommes toutes assez proche. Lui aussi capitalise selon toute logique deux voix au premier tour a minima, la sienne et celle de Rosette Gumbs-Lake sa suppléante. Lui aussi a su trouver les supports métropolitains pour trouver son futur et potentiel positionnement au Sénat en recevant l’investiture de l’UDI. Au centre, demain, l’UDI sera à même de composer avec la gauche comme avec la droite et pourrait bien hériter d’une position de pivot. Mais René-Jean Duret ne peut pas plus prétendre à un lien ombilical avec le territoire.
Alain Gros-Désormeaux est lui aussi issu de la majorité RRR, groupe certes hétérogène mais constitué par Alain Richardson pour remporter les élections de 2012 et faire obstacle à la montée de Daniel Gibbs, un point qui lui conférait son homogénéité. Alain Gros-Désormeaux, selon la même logique peut à ce niveau d’analyse, compter sur deux voix fiables au premier tour.
Georges Gumbs, Président du CESC se réclamant d’une certaine proximité avec le RRR, brillant stratège et influent personnage (ce qui lui a valu sa réélection au CESC) ne peut lui compter de fait sur ces deux voix promises aux candidats ci avant cités, pas plus que Patricia Change Duzant, Représentante du Conseil de Quartier N°2 ou Boniface Hodge, ancien représentant du même conseil, ancien président du centre culturel de Grand-Case sous le règne d’Albert Fleming et surtout showman du RRR sur les podiums en 2012.
Bref, à ce premier niveau d’analyse, 8 voix sont ventilables sans trop de prise de risque ou d’erreur.
Le poids des groupes ou de ce qu’il en reste
L’UD, aujourd’hui, affiche une image harmonieuse, en paix avec elle-même, pilotée brillamment par le Député et Président du Parti Daniel Gibbs. Sur cette base, les 6 voix que pèse le groupe devraient tout naturellement tomber dans l’escarcelle de Dominique Aubert. Pourtant, dans le secret de l’isoloir et protéger par l’anonymat du vote, il ne serait pas surprenant que seules 4 de ces votes ne lui reviennent finalement au titre de la discrimination positive. Il n’est pas garanti que le poids des idées l’emporte sur le poids du sang… Facteur d’une extrême complexité dans sa gestion et avec lequel Daniel Gibbs a toujours du composer, fort habilement d’ailleurs. A ce point de l’analyse, octroyons sans réserve 4 voix minimum à la candidate Dominique Aubert au premier tour.
Au sein du RRR, la soupe est plus riche. Guillaume Arnell est le candidat naturel de la gouvernance mais celle-ci n’est plus en phase parfaite avec le parti. Ainsi, il n’est plus illégitime que de considérer Alain Gros-Désormeaux comme le candidat ayant obtenu le quittus du Président du RRR, Alain Richardson, au détriment du Vice-Président Arnell. De son côté, René-Jean Duret affiche la volonté d’être le candidat anti-conflits internes, tout dédié au territoire, loin des querelles intestines, puisqu’il n’est pas le fruit des entrailles saint-martinoises, et donc le plus à même de répondre aux obligations du parlementaire à venir. Mais, René-Jean Duret n’est ni le candidat adoubé par la gouvernance ni le candidat désigné par la présidence du parti.
Alors, comment ventiler les 17 voix dont dispose le RRR et pourquoi ces 17 voix n’ont pas été canalisées sur un candidat unique, garantissant une superbe victoire au premier tour ?
Tout, à partir de ce point, relève d’une part de subjectivité et ne saurait donc être prise en considération comme faisant partie de réalités terrestres… quoique, bien souvent ces réalités sont écrites de longue date par ceux qui savent, ceux qui gouvernent, ceux qui anticipent et maitrisent l’histoire.
En effet, ces sénatoriales, desquelles émergera forcément un élu, portent en leur sein les échéances de 2017. Le schéma que l’on entrevoit semble d’ores et déjà clair, deux grandes équipes s’affronteront, le RRR ou ce qu’il en restera et l’UD et ce qu’elle sera devenue.
Si l’on se prête à un jeu de rôle, que l’on emprunte l’habit d’Alain Richardson quelques secondes, il n’est pas compliqué que de percevoir plusieurs choses : si Guillaume Arnell est élu, ce dernier garantira un soutien sans faille à la Présidente. Si la Présidente est soutenue, par effet boule de neige, elle obtiendra d’autres soutiens de la part d’autres élus qui verront en elle une promesse d’avenir, motivés par le fait de conserver leur statut d’élu après 2017. Dès lors, les chances pour qu’Alain Richardson puissent se représenter à la tête d’une liste RRR en 2017 sont bien minces. Il est donc nécessaire, pour lui qui a conduit la liste à la victoire en 2012, de revenir au devant de la scène politique bien en amont de ces échéances de 2017 et c’est l’opportunité que constituent ces sénatoriales. Avec un candidat Gros-Désormeaux victorieux, et sans trop entrer dans les détails, trois schémas se proposent :
Et alors, trop focus que nous sommes sur la strate politique et le sujet sénatoriales 2014, nous serions presque passés à côté d’un binôme évident : la gouvernance et son utilisation de la strate administrative qui elle, dans sa majorité, résiste aux aléas politiques et répond à des plans de carrière. Et il se trouve que concomitamment à ces élections et à leurs conséquences potentielles, l’administration territoriale va elle aussi vivre d’importants moments, entre promotion récente de cadres compétents et départ annoncé d’un pilote incontournable et historique. Selon les résultats de ces élections, ce n’est pas la stricte gouvernance qui risque de changer de cap, mais aussi le sommet de la strate administrative.
Nous n’irons ici pas beaucoup plus loin, mais il est évident que la mécanique administrative qui est sensée mettre en branle la politique dictée par la majorité subira au niveau supérieur de son organisation les changements de caps éventuels. Il est aussi évident que des gens compétents, ambitieux, diplômés et au fait de certains pans de l’histoire saint-martinoise observent ces élections et que des sièges seront à pourvoir en fonction du scénario auquel nous auront droit.
Il ne fait non plus aucun doute que d’autres yeux sont penchés sur ce dimanche 28 septembre, regards sporadiques depuis la métropole pour pouvoir poser le pion que nous sommes sur le grand échiquier de la nation, regards plus soutenus depuis la Guadeloupe pour pouvoir poser la pièce maîtresse que nous sommes sur un échiquier plus restreint mais dont l’issue de la partie est grassement dotée.