Aristide retrouve Haïti après sept ans d’exil
PORT-AU-PRINCE — Sourd aux appels de la France et des Etats-Unis, l’ex-président haïtien Jean Bertrand Aristide a retrouvé sa terre natale vendredi après sept ans d’exil, au risque de déstabiliser un processus électoral fragile à deux jours du deuxième tour de la présidentielle.
Jean Bertrand Aristide a atterri a 09H05 locales (14H05 GMT) à l’aéroport de Port-au-Prince à bord d’un avion privé parti jeudi d’Afrique du Sud, où il vivait depuis son départ d’Haïti.
L’ancien président, vêtu d’un costume bleu sombre, est descendu de l’appareil en souriant et a reçu un accueil protocolaire du secrétaire général de la présidence haïtienne, Fritz Longchamp.
A ses côtés, sa femme Mildred et ses deux filles, qui ont pleuré sous le coup de l’émotion. M. Aristide était également accompagné de l’acteur américain Danny Glover (“La Couleur pourpre”, “L’Arme fatale”).
Une cinquantaine de personnes se trouvaient devant l’avion pour accueillir l’ancien président, dont des membres de son parti Fanmi Lavalas et des femmes tenant des bouquets de fleurs.
Jean Bertrand Aristide a pris la parole pour dénoncer l’exclusion de son parti de l’élection présidentielle, dont le deuxième tour a lieu dimanche.
“L’exclusion de Fanmi Lavalas, c’est l’exclusion de la majorité des Haïtiens”, a lâché M. Aristide, qui a assuré ne pas vouloir jouer de rôle politique et être rentré simplement pour travailler dans l’éducation.
Il a estimé que l’état du pays s’était dégradé depuis son départ du pouvoir en 2004 face à une insurrection militaire et à des pressions franco-américaines.
“Depuis sept ans, l’état du malade Haïti a empiré”, a-t-il dit. “Aujourd’hui, Haïti plie sous le poids de ses 27 millions de tonnes de décombres”, a-t-il lancé, en référence au tremblement de terre qui a tué au moins 220.000 personnes en janvier 2010 à Port-au-Prince et sa région.
L’ex-président a ensuite quitté l’aéroport à bord d’un véhicule blindé, traversant péniblement une foule de plusieurs milliers de partisans venus l’accueillir dans une ambiance festive, pour rejoindre son domicile, une grande résidence située à Tabarre, une commune proche.
La foule enthousiaste brandissait des pancartes sur lesquelles on pouvait lire en créole: “Bon retour au président Aristide”, “Docteur Aristide, les universitaires vous souhaitent un bon retour” ou encore “Président Aristide vous êtes un symbole pour le peuple haïtien”.
“Quand je faisais mes humanités, on disait +Voir Naples et mourir+. Maintenant je suis vieux et j’ai revu M. Aristide. Je peux mourir tranquille”, a confié Gérard Pierre, un avocat accoutré d’une chemise sur laquelle était imprimé un portrait de l’ancien président.
“Je suis très heureux. C’est l’homme le plus rassembleur d’Haïti. Il va nous aider dans la santé, l’éducation”, a-t-il ajouté.
“Il vient pour réconcilier le peuple. C’est le seul capable de ramener l’unité et la dignité en Haïti”, a renchéri un jeune dénommé Innocent.
M. Aristide est le deuxième ancien président à faire un retour spectaculaire en Haïti après l’ancien dictateur Jean-Claude Duvalier, dit “Baby doc”, le 16 janvier.
Jean Bertrand Aristide, 57 ans, avait été évincé du pouvoir en février 2004 sous la pression conjuguée d’une insurrection armée, des Etats-Unis et de la France, qui lui reprochaient son incompétence.
Ancien prêtre se réclamant de la théologie de la libération, il reste très populaire dans son pays auprès des plus humbles grâce à un discours populiste.
Washington et Paris l’ont exhorté en vain à différer son retour, craignant qu’il ne perturbe le second tour de l’élection présidentielle qui départagera dimanche l’ancienne Première dame Mirlande Manigat et le chanteur populaire Michel Martelly.
Source AFP